Congé maladie des militaires et sanction disciplinaire : Attention à la perte de votre rémunération !

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Le fait qu’un militaire ou un gendarme soit placé en congé maladie n’empêche pas son autorité d’emploi d’engager des poursuites disciplinaires à son encontre.


Toutefois, la jurisprudence a eu à se poser la question de savoir si l’éventuelle sanction disciplinaire pouvait entrer en vigueur avant l’expiration du congé maladie du militaire ou du gendarme concerné.

 

A ce titre, la juridiction administrative s’est interrogée notamment sur la circonstance de l’éventuelle privation des droits à rémunération d’un militaire ou d’un gendarme durant son congé maladie du fait de l’entrée en vigueur d’une sanction.

  

Le cabinet d’avocat de militaire, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur ce point :

 



De longue date, le Conseil d’Etat considère que les procédures disciplinaires et les procédures de mise en congés maladie sont des procédures autonomes.

 

Par conséquent, une procédure disciplinaire peut valablement être engagée à l’encontre d’un militaire ou d’un gendarme placé en arrêt maladie (CE, 13 mai 1992, req. n°106098).


A cette époque, l'administration estimait néanmoins que la sanction disciplinaire prononcée contre un militaire ou un gendarme en congé maladie ne pouvait être exécutée qu’à l’expiration de celui-ci :


« (…) Cependant, les sanctions disciplinaires ou pénales dont il fait l’objet n’ont pas de conséquence sur sa situation de bénéficiaire d’un congé de maladie, aussi longtemps que la condition d’inaptitude physique est remplie. Elles seront donc exécutées postérieurement à l’expiration du congé de maladie dont l’agent bénéficie.(…) » (Réponse ministérielle à la question n° 21086 de Monsieur le Sénateur Jean-Pierre SUEUR publiée au J.O. Sénat le 19/12/2005)


Par un arrêt du 12 avril 2017, la cour administrative d’appel de Nantes avait confirmé cette circonstance en soulignant que le placement en arrêt de travail d’un militaire ou d’un gendarme faisait obstacle à l’entrée en vigueur d’une sanction disciplinaire prise à son encontre, jusqu’à sa reprise de services effectifs (CAA Nantes, 12 avril 2017, req. 16NT01078).

 

Dans cet arrêt, la cour administrative d’appel posait cependant une exception s’agissant de la radiation des cadres ou des contrôles, estimant que, dès lors que celle-ci rompait le lien juridique entre le militaire concerné et son administration d’emploi, elle pouvait s’exécuter avant le terme de son arrêt maladie :


« 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense, applicable à la date de la décision contestée : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du premier groupe sont : a) L'avertissement ; b) La consigne ; c) La réprimande ; d) Le blâme ; e) Les arrêts ; f) Le blâme du ministre ; 2° Les sanctions du deuxième groupe sont : a) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ; b) L'abaissement temporaire d'échelon ; c) La radiation du tableau d'avancement ; 3° Les sanctions du troisième groupe sont : a) Le retrait d'emploi, défini par les dispositions de l'article L.4138-15 ; b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat (...) " ; que si une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions ne peut avoir de conséquences sur la situation d'un bénéficiaire d'un congé de maladie aussi longtemps que la condition d'inaptitude physique est remplie et ne peut dès lors être légalement exécutée que postérieurement à l'expiration du congé de maladie dont l'agent bénéficie, il n'en va pas de même pour une sanction de radiation des cadres, qui rompt le lien de l'agent avec le service de façon définitive et entraîne la perte de la qualité de militaire ;


3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 3 juillet 2015 prononçant la radiation des cadres de M. B...a été notifié à l'intéressé le 16 juillet 2015 ; que si celui-ci fait valoir qu'à cette date il était placé en congé de longue durée pour maladie depuis le 20 août 2014, pour une période expirant le 19 août 2015, une telle circonstance ne faisait pas obstacle à ce que la sanction disciplinaire de radiation des cadres de l'armée, qui entraîne la perte de la qualité de militaire, puisse être légalement mise à exécution durant le congé de maladie dont bénéficiait l'intéressé ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision contestée ; » (CAA Nantes, 12 avril 2017, req. 16NT01078).


Ainsi, jusqu’à cette date, on pouvait considérer qu’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un militaire ou d’un gendarme en arrêt de travail pour maladie, ne pouvait prendre effet qu’après l’expiration dudit arrêt de travailsauf à ce que la sanction concernée vise à prononcer la radiation des cadres ou des contrôles du militaire concerné.

 

Dans ce cas, dès lors qu’elle faisait perdre définitivement au militaire concerné son lien avec l’institution militaire, la radiation pouvait être exécutée avant la fin du congé maladie du militaire ou du gendarme en cause.


Cependant, par une décision du 21 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Douai avait contrecarré cette analyse, en jugeant, s'agissant d’un agent public civilqu'une sanction disciplinaire pouvait et, quelle qu'elle soit, entrer en vigueur avant l'expiration du congé maladie de l’agent concerné :


"3. Par ailleurs, la circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une sanction disciplinaire" (CAA Douai, 25 novembre 2021, req. n° 20DA01958).


La question s’est donc posée de savoir si cette jurisprudence trouvait à s'appliquer également aux militaires et aux gendarmes.

 

Par une ordonnance du 6 décembre 2022, le Conseil d’Etat a appliué cette jurisprudence aux militaires en jugeant que l’entrée en vigueur d’une sanction disciplinaire prononcée contre un militaire était légale, y compris avant l’expiration de son congé maladie :

 

« 3. La circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait obstacle ni à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction impliquant la radiation des cadres. Par suite, en jugeant, pour ordonner la suspension de l'exécution de la décision de radiation des cadres prononcée à l'encontre de M. B... en tant qu'elle prenait effet avant la fin de son congé de longue durée pour maladie, que la circonstance que l'intéressé se trouvait en congé de longue durée y faisait obstacle, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit. Le ministre des armées est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a suspendu l'exécution immédiate de la décision litigieuse. » (CE, ord., 6/12/2022, n°465627).

 

Par cette ordonnance, le Conseil d’Etat appliquait donc aux militaires et aux gendarmes, la jurisprudence de principe développée jusque-là pour les agents publics « civils ».

 

Dans sa décision du 3 juillet 2023, rendue sur conclusions contraires du rapporteur public, le Conseil d'Etat a confirmé cette position en jugeant que la circonstance qu'un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction :

 

« 6. Il résulte de ce qui précède que c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que la circonstance que M. A... était en congé de maladie ne faisait pas obstacle à l'entrée en vigueur, le 17 février 2018, de la décision du 13 février 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lyon lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions pour une durée de deux ans, et qu'elle en a déduit qu'il n'était pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2018 par lequel la même autorité a suspendu sa rémunération à compter du 17 février 2018. » (CE, 3 juillet 2023, req. n°459472).

 

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a ajouté une précision importante s’agissant des conséquences de l’exécution d’une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions, en jugeant que, dans ce cas, le fonctionnaire concerné ne pouvait, durant la période de suspension de fonctions, bénéficier du maintien de sa rémunération à raison de son placement en congé maladie :

 

« 5. D'autre part, les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire conserve, selon la durée du congé, l'intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie en apportant une dérogation au principe posé par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 subordonnant le droit au traitement au service fait. Elles ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un fonctionnaire bénéficiant d'un congé de maladie des droits à rémunération supérieurs à ceux qu'il aurait eus s'il n'en avait pas bénéficié. Un agent faisant l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions étant privé de rémunération pendant la durée de cette exclusion, il ne saurait, pendant cette période, bénéficier d'un maintien de sa rémunération à raison de son placement en congé de maladie ».

 

La position du Conseil d’Etat est donc claire désormais, s’agissant tant des agents publics civils, que des militaires et des gendarmes : non seulement une procédure disciplinaire peut être engagée durant leur congé maladie, mais surtout, une sanction disciplinaire peut être exécuté avant l’expiration de celui-ci.

 

Dans cette hypothèse, si la sanction disciplinaire a pour conséquence de priver le militaire concerné de sa rémunération, elle l’en privera, sur tous les volets.

 

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste et représente les militaires et les gendarmes notamment devant les conseils d’enquêtes et les conseille dans leurs recours contre les sanctions disciplinaires prises à leur encontre.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocat en droit militaire au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.


 

Pour en savoir plus sur les procédures disciplinaires des militaires et les sanctions, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 

 

 

 

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