Procédure disciplinaire des militaires et des gendarmes : le conseil d'enquête et les sanctions de troisième groupe

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Lorsqu’un militaire commet un manquement à la discipline militaire et que son autorité hiérarchique envisage, contre lui, une sanction disciplinaire de troisième groupe, le militaire concerné doit être convoqué devant un conseil d’enquête qui doit respecter une procédure très stricte.


1.- Sanctions encourues en cas de saisine du conseil d’enquête

Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées contre un militaire sont réparties en trois groupes, à savoir (article L. 4237-2 du code de la défense) :

 

  • Les sanctions du premier groupe : l’avertissement, la consigne, la réprimande, le blâme, les arrêts et le blâme du ministre ;
  • Les sanctions du deuxième groupe : l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération, l'abaissement temporaire d'échelon ; la radiation du tableau d'avancement ;
  • Les sanctions du troisième groupe : le retrait d'emploi, la radiation des cadres (pour les militaires de carrière) ou la résiliation du contrat (pour les militaires sous contrat).

 


Lorsqu’une sanction disciplinaire de deuxième groupe est envisagée à l’encontre d’un militaire, un conseil de discipline doit être convoqué.

En revanche, lorsqu’une sanction de troisième groupe est envisagée contre un militaire, c’est un conseil d’enquête qui doit être saisi (article L. 4137-3 du code de la défense).

Ainsi, lorsqu’un militaire est informé qu’un conseil d’enquête va être consulté par suite d’un manquement, il doit savoir qu’il encoure une sanction de troisième groupe c’est-à-dire, un retrait d'emploi, une radiation des cadres (pour les militaires de carrière) ou une résiliation du contrat (pour les militaires sous contrat).


2.- Autorités compétentes et délai d’instruction devant le conseil d’enquête

2.1.- L'envoi du militaire devant le conseil d'enquête est ordonné par le ministre des Armées .

En effet, c’est en principe, le ministre des Armées qui est habilité à prononcer les sanctions du troisième groupe contre un militaire.

Par exception, le retrait d'emploi par mise en non-activité et la radiation des cadres des officiers, sont prononcés par décret du Président de la République (article R. 4137-41 du code de la défense).

2.2.- Le conseil d’enquête est chargé de donner son avis au ministre des Armées sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée contre le militaire mis en cause.

L’article R. 4137-66 du code de la défense fixe les conditions de saisine du conseil d’enquête et les délais dans lesquels il doit rendre son avis au ministre des Armées :

L'ordre d'envoi devant le conseil d'enquête expose les faits et les circonstances qui justifient la saisine du conseil d’enquête.

L’avis du conseil d’enquête doit être rendu au ministre des Armées (ou à l’autorité habilitée à prononcer la sanction) dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’ordre d’envoi.

A défaut d’avis du conseil d’enquête dans ce délai de trois mois, le ministre des Armées met le conseil d’enquête en demeure de se prononcer dans un délai d’un mois maximum.

Faute d’avis du conseil d’enquête à l’issue de ce nouveau délai, le ministre des Armées constate la carence du conseil d’enquête et prononce la sanction sans avis du conseil d’enquête.

La décision prise à la suite de l'avis du conseil d'enquête est notifiée par écrit au militaire en cause, avec l'avis émis par le conseil d’enquête (article R. 4137-85 du code de la défense).

Lorsque la sanction prononcée par le ministre des Armées ou l’autorité compétente est une sanction du deuxième groupe, la consultation du conseil d'enquête tient lieu de consultation du conseil de discipline.

3.- Instruction du dossier par le rapporteur

Au vu de l’ordre de renvoi du militaire devant le conseil d’enquête, le ministre des Armées (ou l’autorité militaire habilitée) désigne un rapporteur parmi les officiers de la force armée ou de la formation rattachée à laquelle appartient le militaire mis en cause.

Le ministre des Armées notifie au militaire mis en cause à la fois l'ordre d'envoi devant le conseil d’enquête et le nom du rapporteur désigné, et l'avise qu'il peut désigner un défenseur de son choix (article R. 4137-73 du code de la défense).

Le rapporteur est chargé d’instruire le dossier du militaire concerné à charge et à décharge, en recueillant tous les éléments de preuve nécessaires pour éclairer le conseil d’enquête.

En particulier, le rapporteur est chargé de :

 

  • Recueillir, auprès de l’autorité militaire, l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de sanctionner le militaire (article R. 4137-77 du code de la défense),
  • Convoquer le militaire et son avocat et de leur donner communication de l'ensemble des pièces et documents recueillis contre le comparant (article R. 4137-88 du code de la défense),
  • Recueillir les observations écrites et orales en défense du militaire concerné et de son avocat,
  • Recueillir l'identité des personnes que le militaire et son avocat demandent à faire entendre par le conseil d'enquête,
  • Dresser un procès-verbal de l’audition du militaire et de son avocat, mentionnant qu'il y a eu communication effective de l'ensemble des pièces et documents. Ce procès-verbal doit être communiqué au Président du conseil d’enquête.


Une fois l’instruction close, le rapporteur transmet les éléments de la procédure au Président du conseil d’enquête qui fixe une date de réunion, et notifie au militaire comparant la date de la réunion du conseil et la liste des personnes qui seront entendues (article R. 4137-79 du code de la défense).


4.- Déroulement de la réunion du conseil d’enquête

La réunion devant le conseil d’enquête se déroule selon les modalités fixées notamment à l’article R. 4137-81.

Lors de l'ouverture de la réunion du conseil d’enquête, le président informe le militaire comparant et son avocat que le conseil d'enquête doit émettre un avis sur les suites à donner à la procédure disciplinaire engagée.

Le rapporteur lit son rapport et le conseil d’enquête entend ensuite successivement et séparément les personnes que le militaire a demandé à faire entendre. Le rapporteur, le militaire comparant et son avocat ainsi que les membres du conseil peuvent leur poser des questions.

Les membres du conseil d'enquête peuvent poser des questions au militaire comparant.

En fin de séance, le militaire comparant et son avocat présentent leurs observations en défense. En cas d'intervention postérieure d'un membre du conseil d'enquête ou du rapporteur, le comparant et son avocat peuvent prendre à nouveau la parole, le militaire comparant s'exprimant en tout état de cause le dernier.

Le président invite alors le rapporteur, le militaire et son avocat à se retirer et met l'affaire en délibéré.

Le président du conseil d'enquête soumet au vote la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré (article R. 4137-82 du code de la défense).

Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres du conseil d’enquête, le président met au vote les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires de la plus sévère à la moins sévère, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un accord (article R. 4137-82 alinéa 4 du code de la défense).

Dans l'hypothèse où le délibéré ne permet pas de recueillir l'accord de la majorité des membres sur une proposition de sanction, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune sanction (article R. 4137-82 alinéa 5 du code de la défense).

Au vu de l'avis émis par le conseil d'enquête, le ministre des Armées (ou l'autorité habilitée par lui) prend une décision de sanction qui sera notifiée au militaire concerné et qui peut faire l'objet d'un recours gracieux et/ou d'un recours contentieux.

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.


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