Notation des militaires : Recours possibles et contrôle du juge

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Tous les militaires ayant accompli au moins 120 jours de présence effective en position d’activité, et tous les réservistes ayant accompli au moins 5 jours de présence effective, doivent faire l’objet d’une notation, au moins une fois par an (article R. 4135-5 du code de la défense).

La notation doit respecter des règles de forme, de fond et de notifications précises.


1.- Définition de la notation des militaires

La notation est un acte de commandement (Instruction du 14 mars 2014 n°220085/DEF/SGA/DRH-MD/SDPEP).

Aux termes de l’article R. 4135-1 du code de la défense, la notation des militaires se définit comme suit :

« La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ».

En pratique, la notation des militaires se présente sous la forme d’appréciations générales, qui doivent se traduire par des appréciations littérales et par des niveaux de valeur ou des notes chiffrées respectivement déterminés selon une échelle ou une cotation (article R. 4135-2 du code de la défense).


La notation annuelle doit permettre de rassembler, sous une forme objective, tous les éléments concourant à la connaissance individuelle du militaire afin :
 

  • de l'informer sur la façon dont il est évalué ; cette appréciation doit l'inciter à conforter ses acquis et,le cas échéant, à travailler sur les axes de progrès qui lui sont indiqués ;
  • de contribuer à son orientation de carrière et à la définition d'un parcours professionnel adapté à ses qualités, ses aptitudes et son potentiel


2.- Procédure de notation des militaires

. Les militaires notés par un seul notateur reçoivent communication de leurs notes et appréciations lors d’un entretien unique avec leur notateur unique (article R. 4135-6 du code de la défense).

Pour les autres militaires, les notes et appréciations leur sont communiquées en deux étapes :

 

  • lors d’un premier entretien avec le notateur de premier degré ou « premier notateur »,
  • lors d’un second entretien avec l’autorité notant en dernier ressort ou « deuxième notateur ».

 


Chaque communication de notation est attestée par la signature de l'intéressé sur le formulaire de notation, dont une copie lui est systématiquement remise (article R. 4135-6 alinéa 2 du code de la défense).

Le fait pour un militaire de signer le formulaire de notation ne signifie pas qu’il en accepte le contenu mais seulement qu’il reconnaît en avoir pris connaissance.

. Dans un délai de 8 jours francs à compter du premier entretien, le militaire peut porter des observations sur le formulaire de notation qui lui a été remis.

. Après avoir arrêté la notation, le premier notateur adresse l’original du formulaire de notation  à l’autorité notant en dernier ressort ou « deuxième notateur ».

La notation finale arrêtée par le deuxième notateur est communiquée au militaire concerné, au plus tard :

 

  • Avant le début des travaux de notation de l'année suivante, si le militaire ne concourt pas pour un avancement de grade au choix,
  • Avant le début des travaux de la commission d'avancement de son grade pour l'année à venir, si le militaire concourt pour un avancement au choix (article R. 4135-6 alinéa 1er du code de la défense).


La notation finale du militaire lui est notifiée par le biais d’une deuxième communication, qui lui est transmise soit, à l’occasion d’un second entretien avec le « deuxième notateur », soit par voie postale ou électronique.

Le formulaire de notation original du militaire est classé au dossier de l'intéressé.


3.- Procédure de contestation des notations des militaires

Comme tout acte relatif à la situation personnelle des militaires, la notation ne peut être contestée en justice qu’après avoir fait l’objet d’un recours préalable obligatoire devant la Commission des recours des militaires (CRM) (article R. 4125-1 du code de la défense).

Ce recours préalable obligatoire doit être adressé à la commission des recours des militaires par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au secrétariat permanent de la commission, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la notation finale (article R. 4125-2 du code de la défense).

Dès réception du recours, le président de la commission en informe l'autorité dont émane la notation contestée ainsi que celle dont relève l'intéressé (article R. 4125-3 du code de la défense).

Ensuite, la commission transmet au militaire concerné les éventuelles observations de l’autorité militaire sur son recours et l’invite à présenter ses observations écrites (article R. 4125-8 du code de la défense + Conseil d’Etat, 18 décembre 2009, req. n°327633).

Si elle l'estime nécessaire, la commission des recours des militaires peut convoquer l'intéressé.

Lors de son audition, ce dernier peut se faire assister d'un militaire de son choix en position d'activité, à l'exclusion de toute autre personne (article 4125-8 du code de la défense).

Dans un délai de 4 mois à compter de sa saisine, la commission notifie au militaire concerné la décision du ministre compétent prise sur le recours du militaire.

En cas de rejet du recours préalable du militaire, la décision du ministre doit être motivée en droit et en fait (article R. 4125-10 du code de la défense).

L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de 4 mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission (article R. 4125-10 du code de la défense).

La décision prise par le ministre compétent sur le recours du militaire concerné se substitue à la notation prise par le « deuxième notateur ».

Le militaire dispose ensuite d’un délai de 2 mois francs à compter de la notification de la décision du ministre pour saisir le tribunal administratif compétent d’un recours juridictionnel (article R. 421-1 du code de justice administrative).


4.- Contrôle du juge administratif sur les notations de militaires

. S’agissant des périodes de notation, en principe, le militaire qui entend contester une décision de notation ne peut pas se prévaloir d’une précédente notation (Conseil d’Etat, 9 décembre 2009, req. n°317073) ni des appréciations plus favorables des années précédentes (Conseil d’Etat, 23 juillet 2010, req. n°333412) pour en contester le bien fondé :

" Considérant que, les notations obtenues d'une année sur l'autre étant sans lien entre elles, la circonstance que des notes attribuées au requérant antérieurement à sa notation pour la période du 6 janvier 2006 au 30 mars 2007 auraient comporté des appréciations plus favorables ou une note chiffrée supérieure est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; "

En effet, le Conseil d’Etat rappelle de manière récurrente que « chaque notation [est] une évaluation des qualités du militaire au cours d'une période déterminée » (Conseil d’Etat, 14 octobre 2009, req. n°303439).

Il en résulte, qu’en revanche, une décision de notation peut être annulée comme étant fondée sur des faits qui ont eu lieu postérieurement à la période de notation :

« Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 1er août 2005 relatif à la notation des militaires, alors en vigueur : La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ; qu'il résulte de ces dispositions que la notation d'un officier constitue une appréciation, par l'autorité hiérarchique, des qualités et aptitudes dont il a fait preuve durant la période de notation ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'appréciation générale portée sur le bulletin de notation par le colonel commandant la base aérienne 128 de Metz, que ce dernier, agissant en qualité d'autorité hiérarchique, s'est expressément fondé sur des faits survenus lors d'une réunion à l'aéroclub de Basse-Moselle le 30 mars 2008 ; que dès lors, la décision du ministre de la défense, qui est fondée sur sa manière de servir postérieurement à la période de notation considérée, est entachée d'une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ; » (Conseil d’Etat, 28 juin 2010, req. n°327819).

. S’agissant de l’appréciation de la manière de servir des militaires, le juge administratif refuse de considérer que d’excellentes appréciations confèreraient aux militaires un droit à obtenir la note maximale :

« Considérant qu'il résulte de ces dispositions, contrairement aux allégations du requérant, que d'excellentes appréciations ne justifient pas systématiquement l'attribution d'une note d'un niveau supérieur ou maximale ; qu'en effet, la notation du militaire prend en compte sa manière de servir au regard de celle de l'ensemble des militaires placés dans la même situation et relevant d'un même niveau hiérarchique ; que dès lors le ministre n'a pas commis d'erreur de droit en n'attribuant pas à M A une note maximale alors même que l'intéressé a obtenu d'excellentes appréciations ; » (Conseil d’Etat, 14 octobre 2009, n°326324).

De la même manière, un militaire ne peut se prévaloir de ce que le niveau de sa note serait inférieur à celui des notes attribuées à des militaires se trouvant dans une situation comparable à la sienne (Conseil d’Etat, 14 octobre 2009, n°326324).


En réalité, le contrôle juridictionnel du juge administratif sur les notations des militaires porte, essentiellement, sur  les éventuels vices de procédure (non respect des droits de la défense notamment), les erreurs de faits (notation fondée sur des faits inexacts), et les erreurs de droit (prise en considération de faits postérieurs à la période de notation par exemple).

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.


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