Cumul d'activités des militaires & production d'oeuvres de l'esprit : Attention au choix de votre statut!

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Si par principe, les militaires et les gendarmes ne peuvent cumuler leurs fonctions avec une activité privée lucrative, une exception est posée s’agissant notamment de la production d’œuvres de l’esprit (publication de livres/articles, photographie, dessin/illustration, composition de musique, topographie, architecture, etc.).

 

Cependant, cette exception ne vaut que pour les militaires produisant des œuvres de l’esprits sous le régime des artistes-auteurs déclarant leurs revenus au titre des BNC.

 

Autrement dit, un militaire ne peut pas produire d’œuvres de l’esprit sous le régime du salariat, de l’auto-entrepreneuriat ou de la société.

 

En tout état de cause, la production d’œuvres de l’esprit par les militaires ne doit pas contrevenir au bon fonctionnement du service ni aux devoirs de neutralité, de confidentialité et de réserve imposés aux militaires.

 

Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur les conditions dans lesquelles ils peuvent être autorisés à produire des œuvres de l’esprit.

 

 

1.- Production des œuvres de l’esprit par les militaires : dérogation au principe d’interdiction de cumul d’activités

 

Aux termes de l’article L. 4122-2 du code de la défense , les militaires et les gendarmes ne peuvent, en principe, cumuler leurs fonctions avec une activité privée lucrative.

 

« Les militaires en activité ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit.

La production des œuvres de l'esprit au sens des articles L. 112-1L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle s'exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et sous réserve du respect des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 4121-2 du présent code. (…) ».

 

Cependant, l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelles exclut la production des œuvres de l’esprit limitativement énumérées de l’interdiction de cumul d’activités :

 

« Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code :

1° Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;

2° Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres oeuvres de même nature ;

3° Les oeuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;

4° Les oeuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en oeuvre est fixée par écrit ou autrement ;

5° Les compositions musicales avec ou sans paroles ;

6° Les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ;

7° Les oeuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ;

8° Les oeuvres graphiques et typographiques ;

9° Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;

10° Les oeuvres des arts appliqués ;

11° Les illustrations, les cartes géographiques ;

12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences ;

13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ;

14° Les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l'habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d'ameublement ».

 

Il devrait en résulter, en principe, que les militaires devraient pouvoir produire librement des œuvres de l’esprit et en tirer profit, sans restriction émanant de leur autorité d’emploi.

 

Cependant, la question se pose de savoir si cette dérogation s’applique à la production d’œuvres de l’esprit, sous tout type de régime ou statut juridique.

 

De l’avis du cabinet Obsalis Avocat, non.

 

En effet, cette liberté accordée aux militaires concernant la production d’œuvres de l’esprit ne peut être accordée que sous réserve de ne pas être exercée sous le statut du salariat, lequel constituerait alors une activité privée lucrative interdite par l’article L. 4122-2 du code de la défense  .

 

Cela signifie qu’un militaire ne peut exercer une activité d’acteur, chanteur, danseurs ou musiciens par exemple, puisqu’il agirait alors sous le statut d’artistes-interprètes – c’est-à-dire du salariat au régime des intermittents du spectacle -, et non d’artistes-auteurs.

 

De même, cela signifie qu’un militaire ou un gendarme ne peut exercer une activité de photographe, DJ, dessinateur/illustrateur ou encore de géographe, topographe ou architecte sous le statut du salariat.

 

Seuls les militaires et gendarmes produisant des œuvres de l’esprit sous le statut d’artistes-auteurs, déclarant leurs revenus au titre des bénéfices non commerciaux (BNC) peuvent être regardés comme pouvant librement exercer leur activité artistique au sens des dispositions précitées.

 

En tout état de cause, les militaires ont, par principe, interdiction d’être membres des organes de directions d’une société ou d'une association à but lucratif (article L. 4122-2 du code de la défense). Les militaires ne peuvent donc pas créer une entreprise (micro-entreprise ou statut d'auto-entrepreneur notamment) en vue de la production d’œuvre de l’esprit, sans autorisation préalable de cumul d’activités.

 

Le cabinet d’avocat, Obsalis Avocat, conseille les militaires sur les modalités de cumul d’activités et sur les statuts à choisir en vue de la production d’œuvres de l’esprit.

 

 

2.- Création d’entreprise par les militaires & gendarmes : quelle autorisations de cumul d’activité ?

 

Aux termes de l’article L 4122-2 du code de la défense, les militaires et les gendarmes ne peuvent participer aux organes de direction d’une société ou d’une association à but lucratif :

 

« (…) Sont interdites, y compris si elles sont à but non lucratif, les activités privées suivantes :

La participation aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif ; »

 

A ce sujet, l’instruction n°230423/DEF/SGA/DRH-MD/FM1 du 18 juillet 2013 relative au cumul d'activités à titre accessoire des militaires précise qu’un militaire qui aurait la qualité de gérant d’une entreprise (société de personne ou SARL) ou qui serait membre d’un organe collégial de direction d’une entreprise (conseil d’administration d’une société anonyme ou directoire par exemple) devrait être considéré comme exerçant une activité illégalement :


« Serait notamment considéré comme participant à de tels organes de direction, donc comme exerçant une activité interdite, un militaire qui, soit aurait la qualité de gérant, même associé (société de personnes, société anonyme à responsabilité limitée), soit serait membre d'un organe collégial de direction (de premier degré, comme le conseil d'administration ou le conseil de surveillance dans une société anonyme, ou de second degré, comme le directoire, désigné par les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance). »

 

Ainsi, un militaire ou un gendarme ne peut pas avoir la qualité de dirigeant d’une entreprise, quelle qu’en soit sa forme, y compris sous le statut d’auto-entrepreneur.

 

. Par dérogation au principe d'interdiction susmentionné, l'article L. 4139-6-1 du code de la défense permet aux militaires et aux gendarmes qui remplissent certaines conditions de solliciter un cumul d'activités en vue de la création ou de la reprise d'une entreprise.

 

Cette demande sera soumise à l’agrément du ministre des Armées ou de l’Intérieur, pour les gendarmes.


Les militaires pouvant bénéficier d'un agrément en vue de cumuler leur activité de militaires avec la création ou la reprise d'une entreprise sont les suivants :

 

  • Les militaires de carrière se trouvant à moins de deux ans de la limite d'âge de leur grade
  • Les officiers sous contrat et les militaires engagés se trouvant à moins de deux ans de la limite de durée des services
  • Les militaires en congé de reconversion.

 

Concrètement, pour être autorisés à cumuler leur activité de militaires avec une activité de création ou reprise d'entreprise, les militaires doivent solliciter un agrément préalable du ministre des Armées, ou du ministre de l’Intérieur pour les gendarmes.


Les militaires concernés doivent adresser une demande écrite au ministre compétent par la voie hiérarchique, qui doit leur délivrer un accusé de réception de leur demande.


Le ministre doit notifier sa décision au militaire concerné, dans un délai de deux mois à compter de la réception de sa demande (article R. 4122-29 du code de la défense).


Si le ministre compétent estime ne pas disposer de toutes les informations utiles pour analyser la demande du militaire demandeur, il pourra l’inviter à compléter sa demande dans un délai d'un mois maximum.

 

Le délai d’instruction de la demande est alors porté à trois mois.


A défaut de décision écrite contraire dans le délai de réponse de deux ou trois mois, le militaire sera réputé avoir implicitement reçu l'accord du ministre pour créer ou reprendre l'entreprise concernée.

 

Ainsi, un militaire qui souhaiterait produire des œuvres de l’esprit et les commercialiser en tant qu’auto-entrepreneur ou en société, ne pourrait le faire qu’après avoir obtenu l’agrément du ministre compétent sur ce point.

 

En tout état de cause, la production d’œuvre de l’esprit par un militaire doit respecter les principes déontologiques auxquels les militaires sont soumis et ne pas porter atteinte au bon fonctionnement du service, ni aux devoirs de réserve et d’impartialité.

 

 

3.- Respect du principe de neutralité et du bon fonctionnement du service

 

Aux termes de l’article R. 4122-25 du code de la défense :


« Dans les conditions fixées à l'article L. 4122-2 du code de la défense et celles prévues par la présente sous-section, les militaires peuvent être autorisés à cumuler des activités accessoires à leur activité principale, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service.


Ces activités doivent être compatibles avec les obligations propres aux militaires énoncées aux articles L. 4111-1 et L. 4121-2 du code de la défense ».

 

L’article L. 4121-2 du même code précise ce qui suit :

 

« Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres.

Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression. Elle ne fait pas obstacle au libre exercice des cultes dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte.

Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la loi, les militaires ne peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent.

L'usage de moyens de communication et d'information, quels qu'ils soient, peut être restreint ou interdit pour assurer la protection des militaires en opération, l'exécution de leur mission ou la sécurité des activités militaires ».

 

Ainsi, un militaire ou un gendarme, auteur de livres par exemple, ne pourrait publier de livres en contradiction avec le devoir de réserve, critiquant l’institution militaire, le gouvernement ou en méconnaissance du secret professionnel.

 

De même, un militaire qui se livrerait à une activité de compositeur de musique, d’illustrateur/dessinateur ou encore de photographe ne pourrait se livrer à son activité accessoire dans des conditions qui pourrait porter atteinte au bon fonctionnement du service (horaires décalés ou à trop grande amplitude, conflit d’intérêt, atteinte à l’image et/ou à la crédibilité de son institution, etc.)

 

Les militaires qui produisent des œuvres de l’esprit sous le régime des artistes-auteurs ou sous le statut entrepreneurial (avec autorisation) doivent donc rester très vigilants quant aux conditions dans lesquelles ils exercent leur activité accessoire.

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, conseille les militaires sur les modalités d’exercices de leurs activités accessoires.

 

 

4.- Quels risques pour les militaires et les gendarmes exerçant une activité sans autorisation ?

 

En cas de manquement des militaires à leurs obligations en termes d’autorisation notamment, l’article L. 4122-2 dernier alinéa du code de la défense prévoit :

 

«  (…) Sans préjudice de l'application de l'article 432-12 du code pénal, la violation du présent article donne lieu au versement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur la solde »

 

D’autre part, en cas de manquement professionnel ou déontologique des militaires, ils encourent une sanction professionnelle ou disciplinaire allant jusqu’à la radiation des cadres ou des contrôles (article L. 4137-1 du code de la défense) :

 

« Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent :

1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ;

2° A des sanctions professionnelles prévues par décret en Conseil d'Etat, qui peuvent comporter le retrait partiel ou total, temporaire ou définitif, d'une qualification professionnelle.

Pour un même fait, une sanction disciplinaire et une sanction professionnelle peuvent être prononcées cumulativement ».

 

 Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées à l’encontre d’un militaire sont les suivantes (article L. 4137-2 du code de la défense) :

 

  • Sanctions de premier groupe : avertissement, consigne, réprimande, blâme, jours d’arrêts, blâme du ministre

 

  • Sanctions de deuxième groupe : abaissement temporaire d’échelon, exclusions de fonctions, radiation du tableau d’avancement

 

  • Sanction de troisième groupe : retraite d’emploi, radiation des cadres ou des contrôles

 

Avant tout prononcé de sanction disciplinaire, le militaire concerné doit avoir accès à son dossier individuel et être reçu en entretien par son supérieur hiérarchique.

 

Afin de lui permettre d’organiser sa défense dans le cadre de cet entretien, le militaire concerné doit être informé (article R. 4137-15 du code de la défense) :

 

  • qu’il peut prendre connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner (article R. 4137-15 alinéa 3 du code de la défense),
  • qu’il peut présenter ses observations orales ou écrites (article R. 4137-15 alinéa 1er du code de la défense)
  • qu’il peut se faire assister d'un militaire en activité de son choix (article R. 4137-15 alinéa 1er du code de la défense)

 

Un conseil de discipline ou un conseil d’enquête doit également être saisi lorsqu’une sanction de deuxième ou troisième groupe est envisagée (article L. 4137-3 du code de la défense).

 

Afin d’organiser leur défense, il est vivement conseillé aux militaires qui font l’objet d’une procédure disciplinaire du fait d’un potentiel cumul illégal d’activités de se faire accompagner par un avocat en droit militaire qui maîtrise les procédures disciplinaires des militaires et les règles qui leur sont appliquées.

 

Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, assiste et représente les militaires et les gendarmes dans les procédures disciplinaires engagées à leur encontre du fait de cumul d’activités.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au Barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement par les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 

Pour en savoir plus sur le cumul d’activité des militaires, la création d’entreprise ou encore les procédures disciplinaires des militaires, consultez les autres articles du cabinet Obsalis Avocat sur ces thèmes :