Syndrome dépressif & SPT des militaires en lien avec un accident de service : une PMI pour infirmité nouvelle est possible!
Brouillon
Lorsqu’un militaire ou un gendarme a été blessé en service, il va spontanément penser à solliciter une pension militaire d’invalidité (PMI) au titre de l’invalidité résultant de sa blessure physique.
Mais il arrive fréquemment que les militaires ou les gendarmes victimes d’un accident de service ne formulent pas de demande de pension militaire d’invalidité (PMI) au titre de leurs souffrances psychiques, c’est-à-dire, de leur état de stress post-traumatique (SPT) ou du syndrome dépressif en lien avec l’accident (cauchemars, insomnies, irritabilité, angoisses, etc).
Dans ce cas, ils peuvent, même de longues années après avoir obtenu leur première PMI au titre de leur invalidité physique, obtenir une PMI au titre de leur invalidité psychique.
Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur leurs droits en matière de PMI, sur les demandes à formuler, les pièces à rassembler et, le cas échéant, les recours à envisager :
1.- Syndromes dépressifs et blessures en service : quels critères pour la PMI ?
Lorsqu’un militaire blessé sollicite le versement d’une pension militaire d’invalidité (PMI), il le fait généralement spontanément au titre de ses blessures physiques (perte de mobilité, perte auditive ou visuelle, douleurs, handicap, etc).
Dans ce cas, il lui appartiendra de démontrer que son invalidité présente un lien avec le service et qu’il est atteint d’un taux d’invalidité lui ouvrant droit au versement d’une pension militaire d’invalidité.
Mais il en va de même pour les invalidités psychiques des militaires résultant d’accidents de service.
1.1.- Syndrome dépressif et SPT des militaires : comment démontrer le lien au service ?
Aux termes de l’article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), un droit à pension est ouvert aux militaires, gendarmes et anciens militaires victimes d’une blessure ou d’une maladie en lien avec le service :
« Ouvrent droit à pension :
1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;
2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ;
4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ».
L’article L. 121-2 du même code précise notamment les conditions dans lesquelles la blessure d’un militaire ou d’un gendarme doit être présumée imputable au service :
« Est présumée imputable au service :
1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ;
2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; (…) ».
. Lorsque la blessure ou la maladie d’un militaire ou d’un gendarme n’est pas présumée imputable au service, il appartient au militaire ou au gendarme concerné d’apporter la preuve que son affection présente un lien direct avec l’accident ou la maladie dont il a été victime (article L. 121-2-3 du code de pensions militaires) :
« La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation.
Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ».
Dans son arrêt du 6 mars 2024, le Conseil d’Etat a rappelé qu’en l’absence de présomption d’imputabilité au service, le militaire qui sollicite le versement d’une pension militaire d'invalidité (PMI) doit démontrer un fait de service à l’origine de son invalidité :
« 3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. » (CE, 6 mars 2024, req. n° 464086).
Il en va de même pour les militaires et les gendarmes qui sollicitent une pension militaire d’invalidité (PMI) au titre d’une invalidité psychique.
Il leur appartiendra de démontrer que leur syndrome dépressif ou leur état de stress post-traumatique (SPT) présente, par leur concomitance, leur gravité et la chronologie d’apparition des symptômes, un lien avec le service.
Avant toute demande de PMI, les militaires et les gendarmes doivent donc constituer un dossier médical solide (certificats médicaux, certificats d’hospitalisation, attestations…) afin de maximiser les chances de voir reconnaître le lien entre leur syndrome dépressif ou leur état de stress post-traumatique (STP) et le service.
Il est vivement conseillé aux militaires concernés de prendre attache avec un cabinet d’avocat de militaires qui saura le conseiller sur les pièces à rassembler, les recours à envisager et leurs chances de succès.
1.2.- Syndrome dépressif et ESPT des militaires : quel taux d’invalidité ?
Aux termes de l’article L. 121-4 du code de pensions militaires et des victimes de guerre :
« Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3.
Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ».
L’article L. 121-5 du même code fixe à 10% minimum le taux d’invalidité ouvrant droit à une pension militaire d’invalidité s’agissant des blessures, et à 30 % s’agissant des maladies associées à des infirmités résultant de blessures :
« La pension est concédée :
1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ;
2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (…) »
Lorsqu’un militaire ou un ancien militaire formule une demande de pension militaire d’invalidité (PMI), il est reçu ou vu en visioconférence par un médecin expert qui lui fixera un taux d’invalidité à la faveur d’un rapport d’expertise destiné au service des pensions, qui prendra la décision d’accorder ou non la pension militaire d’invalidité (PMI) demandée par le militaire concerné.
S’agissant des affections psychiques, le Conseil d’Etat a précisé que les syndromes dépressifs et les états de stress post-traumatiques doivent être considérés comme une blessure s’ils résultent d’un fait de service précis (un accident précisément identifié par exemple), mais comme une maladie dans le cas contraire (accumulation de faits traumatiques tout au long de la carrière par exemple) (Conseil d’État, 6ème/1ère SSR, 22/09/2014, 366628, Publié au recueil Lebon) :
« 7. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction, notamment du certificat médical du 25 mars 2008 déjà mentionné et de celui établi par le même médecin le 7 octobre 2010, que M.B..., lieutenant-colonel de l’armée de terre, a été confronté dans l’exercice de ses missions d’encadrement et, en dernier lieu, en Afghanistan du 5 août 2004 au 11 février 2005, à des situations répétées d’extrême tension à l’origine d’un syndrome clinique de stress post-traumatique ; que ce constat est corroboré par les témoignages concordants des autorités sous les ordres desquelles il a servi ; qu’ainsi, il résulte de l’instruction que les troubles psychiques constatés chez l’intéressé trouvent leur cause directe et déterminante dans les conditions particulières du service de M. B... ; qu’il suit de là que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la preuve de l’imputabilité au service de sa pathologie doit être regardée comme établie, contrairement à ce qu’a retenu le ministre de la défense dans sa décision du 1er décembre 2009 ; que, d’autre part, en l’absence de fait traumatique précis, l’affection de M. B...doit être regardée comme résultant d’une maladie et non d’une blessure ; qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions du Var a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 1er décembre 2009 par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité ».
Un syndrome dépressif en lien avec un fait de service précis aura donc plus de chance de donner lieu au versement d’une pension militaire d’invalidité (PMI) qu’un état de stress post-traumatique fondé sur une succession d’évènements.
Dans le cadre de la présentation de leur demande et de leur entretien avec le médecin expert, les militaires et les gendarmes doivent donc être très attentifs à la façon dont ils formulent les choses.
Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, conseille les militaires dans leurs démarches, et sur la solidité de leur dossier.
2.- Militaire déjà pensionné pour une blessure : peut-on faire une nouvelle demande de PMI au titre d’un syndrome dépressif ou d’un SPT ?
En cas d’éventuel refus de PMI fondé soit, sur une absence de lien au service soit, sur un taux d’invalidité trop bas, le militaire concerné ne pourra pas former de nouvelle demande de PMI portant sur la même affection car, en ce cas, le nouveau refus de PMI serait considéré comme confirmatif du premier et ne pourrait plus être contesté.
En cas de refus de PMI, les militaires doivent donc envisager rapidement de contester directement la décision de refus de PMI sans laisser échapper les délais de recours qui sont de six mois à compter de la notification de la décision (article R. 711-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre).
Toutefois, il arrive fréquemment que des militaires ou des gendarmes blessés sollicitent rapidement une pension militaire d’invalidité (PMI) au titre de leur invalidité physique mais ne demande aucune pension au titre de leur souffrance psychique (syndrome dépressif, état de stress post-traumatique…).
En l’absence de demande initiale portant sur l’invalidité psychique, les militaires conservent toujours la possibilité de demander ultérieurement une pension militaire d’invalidité au titre de leur syndrome dépressif, qui sera alors considérée comme une infirmité nouvelle.
C’est ce qu’a confirmé le Conseil d’Etat dans son arrêt de principe du 1er juillet 2025 (n°489656) :
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat confirme d’abord que l’obtention d’une PMI au titre d’une blessure physique ne fait évidemment pas obstacle à l’obtention du PMI au titre du syndrome dépressif ou de l’état de stress post-traumatique en lien avec le même accident.
Surtout, le Conseil d’Etat juge que l’octroi d’une PMI à un militaire au titre de son invalidité physique n’induit pas un refus de PMI au titre de son invalidité psychique, dès lors que le militaire en question n’en a pas fait la demande initialement et ce, quand bien même la décision initiale aurait évoqué, de manière surabondante, un état dépressif non imputable :
« 3. Une décision dont l'objet est le même que celui d'une décision antérieure revêt un caractère confirmatif dès lors que ne s'est produit entretemps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige. Cette identité d'objet s'apprécie, s'agissant d'une décision prise sur une demande de pension militaire d'invalidité ou sur une demande de révision d'une telle pension, au regard de l'objet de la demande dont a été saisie l'autorité administrative.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi par M. B... d'une demande de révision de sa pension pour l'aggravation des infirmités de ses deux genoux, formée le 8 janvier 2013, le ministre des armées a, par une décision du 22 avril 2013, statué sur ces infirmités et mentionné en outre, en tant qu'" infirmité n'ouvrant pas droit à pension ", un état dépressif décelé lors de l'expertise médicale, décrit comme non imputable au service par défaut de preuve. Le 28 septembre 2016, M. B... a demandé la révision de sa pension pour tenir compte de l'aggravation des infirmités de ses genoux mais aussi, à titre d'infirmité nouvelle, de son état dépressif. Par décision du 21 septembre 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande. La cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, pour écarter la fin de non-recevoir pour tardiveté soulevée par la ministre s'agissant du refus de pension relatif à l'état dépressif de l'intéressé, que l'absence d'identité d'objet des demandes formées par M. B... les 8 janvier 2013 et 3 octobre 2016 faisait obstacle à ce que la décision du 21 septembre 2017, par laquelle la ministre avait rejeté cette seconde demande au motif, s'agissant de l'infirmité " état dépressif réactionnel ", que la preuve de son imputabilité au service n'était pas rapportée, fût regardée comme purement confirmative de la décision du 22 avril 2013 ayant statué sur la demande de révision du 8 janvier 2013, sans qu'ait d'incidence la circonstance que cette décision avait mentionné, à titre surabondant en l'absence de toute demande en ce sens, l'existence d'un état dépressif, en le qualifiant d'infirmité n'ouvrant pas droit à pension faute de preuve d'imputabilité au service. Par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. »
Cette solution est une très bonne nouvelle pour les militaires victimes de SPT ou de syndrome anxiodépressifs, même déjà pensionnés, qui n’ont pas encore formulé de demande de PMI à ce titre.
Cependant, il peut être déduit de cet arrêt qu’un militaire qui a formulé une demande de PMI au titre de son invalidité physique et psychique, ne pourra formuler de nouvelle demande en ce sens en cas de premier refus s’il n’a pas fait de recours devant la commission des recours de l’invalidité (CRI) et, le cas échéant, le tribunal administratif, sur les deux volets.
Ainsi, lorsqu’un militaire formule une demande de PMI, il doit être extrêmement vigilant à la manière dont il formule sa demande et joindre toutes les pièces justificatives nécessaires à l’appréciation de son ou ses invalidités, qu’elles soient physiques ou psychiques.
Il est préférable d’attendre de disposer d’un dossier solide avant de déposer toute éventuelle demande de PMI.
Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur la solidité de leur dossier de demande de PMI et les conseille quant aux pièces complémentaires à rassembler et aux recours à envisager.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit des militaires, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement par les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, accident de service et blessure, trop-perçu de rémunération, indemnisation Brugnot, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
Pour en savoir plus sur les pensions militaires d’invalidité et les recours devant la commission des recours de l’invalidité (CRI), consultez les autres articles du cabinet Obsalis Avocat :
- Pension militaire d’invalidité : procédure devant la commission des recours de l’invalidité (CRI)
- Accident de service des militaires : PMI, taux d’invalidité et présomption d’imputabilité au service
- Militaires, PMI et indemnisation Brugnot : une expertise judiciaire est possible !
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