Non-renouvellement de contrat des militaires et des gendarmes : quels sont les recours possibles ?

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Les militaires et les gendarmes peuvent être « de carrière » ou servir en vertu d’un contrat d’engagement.

 

Lorsqu’un militaire sous contrat arrive au terme de son contrat d’engagement, il arrive que l’institution militaire décide de ne pas lui proposer de renouvellement de contrat et qu’elle lui notifie une décision de non-renouvellement.

 

En cas décision de non-renouvellement de leur contrat, que peuvent faire les militaires et les gendarmes ? Quels sont leurs recours ?

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste les militaires dans leurs recours en cas de non-renouvellement de leur contrat d’engagement :

 

 

 

1.- Non-renouvellement de contrat des militaires et délai de prévenance

 

Aux termes de l’article L. 4132-6 du code de la défense :

 

« Le militaire servant en vertu d'un contrat est recruté pour une durée déterminée. Le contrat est renouvelable. Il est souscrit au titre d'une force armée ou d'une formation rattachée.

Le service compte à partir de la date d'effet du contrat ou, s'il n'y a pas d'interruption du service, de la date d'expiration du contrat précédent ».

 

Le décret n°2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés définit les conditions dans lesquelles s’opèrent le recrutement des militaires servant en vertu d’un contrat d’engagement.

 

Il fixe notamment à 10 ans la durée maximale des contrats d’engagement des militaires (article 5 du décret susvisé n°2008-961) et à 6 mois la durée de la période probatoire (article 8 dudit décret).

 

Surtout, ce décret fixe en son article 19, le délai de prévenance à 6 mois pour les contrats d’une durée de plus d’un an :

 

« Pour les contrats d'une durée égale ou supérieure à un an, le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires engagés de la gendarmerie nationale, notifie par écrit son intention de renouveler ou non le contrat d'engagement d'un militaire au moins six mois avant le terme.


Le militaire engagé à qui est proposé le renouvellement du contrat dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation par écrit. L'absence de réponse dans ce délai vaut renonciation.

En cas de renouvellement, le contrat prend effet le lendemain de la date d'expiration du contrat précédent. »

 

Concrètement, les militaires dont le dernier contrat d’engagement dispose d’une durée égale ou supérieure à un an, doivent se voir notifier toute éventuelle décision de ne pas renouveler leur contrat, au mois six mois avant le terme de leur précédent contrat.

 

Cette obligation s’impose à l’institution militaire pour laisser le temps suffisant au militaire ou au gendarme concerné d’envisager sa reconversion, son éventuel déménagement et plus généralement, son avenir.

 

Aussi, le non-respect de ce « délai de prévenance » de 6 mois est susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat en vue de l’indemnisation du militaire concerné de ses préjudices (préjudice financier, préjudice moral, etc.).

 

Toutefois, comme l’a rappelé le tribunal administratif de Marseille par un jugement du 30 octobre 2023, le non-respect de ce délai de six mois n’aura pas pour effet d’affecter la légalité de la décision de non-renouvellement de contrat :

 

« 7. Si la méconnaissance du délai institué par les dispositions de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008 est susceptible, le cas échant, d'engager la responsabilité de l'administration, elle n'entraîne pas pour autant l'illégalité de la décision de non-renouvellement du contrat. » (TA Marseille, 30 octobre 2023, req. n° 2100081).

 

Cette circonstance avait déjà été jugée par la cour administrative d’appel de Marseille dans un arrêt du 23 mars 2022 (CAA Marseille, 25/03/2022, req. n°19MA05593).

 

En effet, le non-respect du délai de six mois institué par l’article 19 du décret précité, n’est pas un motif d’annulation d’une éventuelle décision de refus de renouvellement de contrat.

 

En revanche, le non-respect de ce délai pourra permettre au militaire lésé d’engager la responsabilité de l’Etat en vue de l’indemnisation de ses préjudices, lequel militaire aura à démontrer que le délai trop court qui lui a été laissé pour quitter l’institution militaire lui a causé un préjudice moral et/ou financier.

 

Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, assister les militaires et les gendarmes dans leurs démarches de reconversion et les représente dans leurs réclamations indemnitaires en vue de la réparation de leurs préjudices tirés du non-respect du délai de prévenance dans le cadre du non-renouvellement de leur contrat d’engagement.

 

 

2.- Non-renouvellement de contrat : comment le contester ?

 

2.1. – Refus de renouvellement de contrat, motivation et communication du dossier individuel administratif

 

Aux termes de l’article L. 211-1 du code des relations entre le public et l’administration, applicable aux relations entre l’administration et ses agents :

 

« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

 

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…)

 

6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (…) »

 

L’article L. 211-5 du même code précise ce qui suit :

 

« La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. »

 

. D’autre part, aux termes de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 :

 

« Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ».

 

Par un arrêt du 23 février 2009, le Conseil d’Etat a rappelé que le renouvellement du contrat d’un agent public ne constitue pas un droit  (CE, 23/02/2009, req. n° 304995) :

 

« Considérant, en premier lieu, qu'un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci ; ».

 

Il en résulte que les décisions de refus de renouvellement des contrats d’engagement des militaires et des gendarmes n’ont pas à être motivées ni à être précédées de la communication de leur dossier individuel, quand bien même elles seraient prises en considération des états de service du militaire concerné, sauf à revêtir le caractère d’une sanction déguisée :

 

  • « (…) qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce contrat est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur l'aptitude professionnelle de l'agent et, de manière générale, sur sa manière de servir et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n'est - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - ni au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier, ni au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 janvier 1979 ; qu'ainsi, en jugeant que la décision de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de M. A avait pu légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de demander la communication de son dossier, alors même qu'elle avait été prise pour des motifs tirés de son comportement professionnel, la cour administrative d'appel de Nancy n'a commis aucune erreur de droit ; » (CE, 23/02/2009, req. n° 304995) ;

 

  • « 11. Un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce contrat serait fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude professionnelle et se trouverait ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - ni au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier, ni au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 janvier 1979. » (CAA Marseille, 5/03/2022, req. n°19MA05593).

 

Le cabinet d’avocat de militaire, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur les chances de succès d’un éventuel recours contre les refus de renouvellement de leur contrat d’engagement.

 

 

2.2.- Non-renouvellement des contrats des militaires et intérêt pour le service

 

La décision de ne pas renouveler le contrat d’engagement d’un militaire doit être fondée sur l’intérêt du service, sachant que cet intérêt s'apprécie au regard du bon fonctionnement du service ou de motifs tenant à la personne du militaire concerné.

 

Ainsi, une décision de non-renouvellement du contrat d’engagement d’un militaire peut être fondée sur ses états de service, ses précédentes notations ou sanctions disciplinaires, sur ses relations avec ses subordonnés ou sa hiérarchie (etc.), ou encore sur des faits extérieurs au service, non encore sanctionnés, pourvue que l’institution puisse justifier qu’il existe un intérêt pour le service à ne pas renouveler le contrat d’engagement du militaire en cause :

 

« 2. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent (CE, 19 décembre 2019, req. n°423685).

 

En particulier, l'administration peut légalement refuser de renouveler le contrat d'engagement d'un militaire si elle est en mesure de démontrer qu'il existe un sureffectif réel sur le poste en cause : 

 

"6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision en litige, que la décision de non-renouvellement du contrat de M. A... a été prise en raison d'un sureffectif de 15 sous-officiers en gestion dans sa spécialité " pilotage budget finance " (PBF). En l'espèce, le ministre des armées produit en appel une extraction des archives de la direction des ressources humaines de la Légion étrangère qui comprend à la fois les besoins en effectifs du service concerné en 2018 et les personnes formées pour occuper ces emplois dans ce service. Le ratio entre ces deux données suffit à établir que les effectifs disponibles sont sensiblement plus élevés que les besoins du service et ainsi justifier tant l'existence d'un sureffectif dans la spécialité en cause que, par voie de conséquence, le non-renouvellement de son contrat. Dans ces conditions, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 29 octobre 2019 rejetant le recours formé contre la décision du 24 mai 2018 de non-renouvellement du contrat d'engagement de M. A...." (CAA Marseille, 25 mai 2023, req. n°22MA01025).

 

Aussi, l’administration militaire peut justifier un refus de renouvellement de contrat par la suppression du poste du militaire concerné ou, au contraire, par la « titularisation » d’un autre militaire qui passerait « de carrière » sur le même poste par exemple.

 

Par ailleurs,  ce n’est pas parce que les faits justifiant le non-renouvellement de contrat sont également susceptibles de justifier une sanction disciplinaire que la décision de non-renouvellement de contrat est nécessairement illégale, dès lors que l’intérêt du service justifie le non-renouvellement de contrat :

 

«  (…) Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations. » (CE, 19 décembre 2019, req. n°423685).

 

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, accompagne les militaires et les gendarmes dans leurs recours contre les décisions portant non-renouvellement de leur contrat d’engagement et les éclaires sur leurs chances de succès.

 

 

3.- Voies de recours des militaires contre les refus de renouvellement de contrat

 

Les décisions portant non-renouvellement du contrat d’engagement d’un militaire ne peuvent être contestées auprès du tribunal administratif, qu’après avoir été contestées devant la commission des recours des militaire (CRM) (article R. 4125-1 du code de la défense) :


« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l’encontre d’actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.


Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ».


Le militaire qui se voit notifier une décision de non-renouvellement de son contrat d’engagement doit saisir la commission des recours des militaires (CRM) dans un délai de deux mois (article R. 4125-2 du code de la défense) :


« A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par tout moyen conférant date certaine de réception de cette saisine au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission. (…) ».

Ce recours auprès de la commission des recours des militaires (CRM) conserve le délai de recours jusqu’à l’intervention de la décision du ministre des Armées ou de l’Intérieur (article 
R.4125-1 alinéa 3 du code de la défense) :


« Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu’à l’intervention de la décision prévue à l’article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l’article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux ».

La commission des recours des militaires (CRM) doit notifier au militaire concerné la décision du ministre sur son recours dans un délai de 4 mois à compter de l’enregistrement de son recours, à défaut, le ministre sera regardé comme ayant implicitement rejeté le recours (article 
R. 4125-10 du code de la défense) :


« Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. Cette notification, effectuée par tout moyen conférant date certaine de réception, fait mention de la faculté d'exercer, dans le délai de recours contentieux, un recours contre cette décision devant la juridiction compétente à l'égard de l'acte initialement contesté devant la commission. »

 

Le militaire ou le gendarme concerné disposera ensuite d’un nouveau délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif d’une requête contre la décision expresse ou implicite de rejet de son recours gracieux (article R. 421-1 du code de justice administrative) :

 

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) ».

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, représente les militaires et les gendarmes dans leurs recours devant la commission des recours des militaires et devant les tribunaux administratifs.

 

 


Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris.
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 

 

Pour en savoir plus sur la résiliation et le non-renouvellement de contrat des militaires et des gendarmes, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème :

 

 

 

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