Recours CRM formés par les militaires : l'intervention d'une décision en cours d'instance ne dessaisit pas le juge des référés

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Par principe, les recours contentieux intentés par des militaires doivent être précédés d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM).

Ce recours préalable obligatoire, n’empêche pas le militaire concerné de saisir le juge des référés du tribunal administratif sans attendre la décision du ministre sur son recours administratif.

Lorsqu’une décision implicite ou explicite de rejet de ce recours intervient avant que le juge administratif n’ait statué, le juge reste saisi si le militaire verse ladite décision au débat.



Par principe, tout recours contentieux introduit par un militaire contre un acte relatif à sa situation personnelle doit obligatoirement être précédé d’un recours préalable  (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM) (article R. 4125-1 du code de la défense) :

« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l’encontre d’actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.

Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ».

Le militaire en cause doit saisir la commission des recours des militaires (CRM) dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication de la décision litigieuse (article R. 4125-2 du code de la défense) :

« A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par tout moyen conférant date certaine de réception de cette saisine au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission. (…) ».

Ce recours préalable obligatoire conserve le délai de recours contentieux jusqu’à l’intervention de la décision du ministre de la Défense ou de l’Intérieur (pour les gendarmes) sur ledit recours (article R.4125-1 alinéa 3 du code de la défense) :

« Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu’à l’intervention de la décision prévue à l’article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l’article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux ».

La commission des recours des militaires (CRM) dispose d’un délai de quatre mois pour notifier au militaire concerné la décision du ministre sur son recours (article R. 4125-10 du code de la défense) :

« Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. Cette notification, effectuée par tout moyen conférant date certaine de réception, fait mention de la faculté d'exercer, dans le délai de recours contentieux, un recours contre cette décision devant la juridiction compétente à l'égard de l'acte initialement contesté devant la commission. »

A défaut, le ministre concerné est réputé avoir rejeté le recours formé par le militaire et ce dernier dispose alors d’un nouveau délai de 2 mois pour introduire un recours contentieux devant le tribunal administratif compétent (article R. 4125-10 alinéa 2 du code de la défense + article R. 421-1 du code de justice administrative).

Durant le délai de 4 mois, et en cas d’urgence, le militaire concerné peut toujours saisir le juge des référés du tribunal administratif d’une demande de suspension de la décision qu’il conteste :

« 3. Considérant que l'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; qu'une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée ; que, saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé ; » (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492).

Dans ce cas, le militaire concerné est dispensé de former un recours au fond en annulation de la décision contestée :

« 4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé la demande de M. B...irrecevable au motif que le requérant n'avait pas formé de recours en annulation contre cette décision ; que ce faisant, le juge a commis une erreur de droit dès lors que le recours contre cette décision devait faire l'objet d'un recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, en application de l'article L. 4125-1 du code de la défense, et que la recevabilité de la demande de suspension était subordonnée non à l'existence d'un recours au fond, mais, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, à l'exercice de ce recours administratif préalable ; que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...avait saisi cette commission avant la saisine du juge des référés d'une demande de suspension ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ; » (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492).

Par un arrêt du 17 décembre 2021, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’en cas d’intervention d’une décision implicite ou explicite de rejet du ministre avant que le juge ait statué, le juge des référs reste saisi si le militaire concerné verse cette décision au débat :

« 4. L'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé. Enfin, si une décision implicite ou explicite de rejet de ce recours préalable obligatoire intervient avant qu'il n'ait statué, le juge des référés reste néanmoins saisi si le requérant présente une requête tendant à l'annulation de cette dernière décision et s'il lui en adresse une copie ou si le juge constate qu'elle a été adressée au greffe et la verse au dossier. » (CE, 17 décembre 2021, req. n°453344).

Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis, assiste les militaires pour former tout recours devant la commission des recours des militaires (CRM) et introduire les éventuels recours contentieux en référés contre les décisions portant atteinte à leur situation (notation, mutation, CLDM non imputable au service, sanctions disciplinaires, etc.).


 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris.
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.


Pour en savoir plus sur les recours des militaires devant la commission des recours des militaires (CRM), consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 


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