Indus de solde : les militaires n’ont pas à saisir la CRM avant de contester un titre de perception

 

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Sauf exception, les recours contentieux des militaires contre des décisions intéressant leur situation personnelle doivent être précédés d’un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires (CRM).

Tout recours contentieux formé contre une décision de l’administration informant un militaire de son intention de procéder à une retenue sur sa solde doit donc être précédé d’un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires (CRM).

En revanche, lorsque l’administration décide d’adresser directement un titre de perception (titre de recette) au militaire concerné, l’éventuel recours contentieux contre ce titre doit être précédé, non pas, d’un recours administratif devant la CRM, mais d’un recours gracieux auprès du comptable de la DGFiP chargé du recouvrement dudit titre.


Lorsque l’administration estime qu’un militaire a perçu un indu de solde, elle dispose de plusieurs moyens administratifs et juridiques pour l’en informer.

L’administration peut notamment :

 

  • soit, adresser un courrier (notamment par le biais du Centre expert des ressources humaines et de la solde [CERHS]), pour l’informer de son intention de procéder à une retenue de solde,
  • soit, procéder directement à une retenue sur la solde du militaire, sans information préalable,
  • soit, lui adresser un titre de perception (ou avis de somme à payer) tendant à la restitution du « trop perçu » de solde.

Rappelons qu’en principe, les recours contentieux des militaires contre des décisions intéressant leur situation personnelle doivent être précédé d’un recours administratif préalable obligatoire (article R. 4125-1 du code de la défense).

Ainsi, si l’administration décide soit, de procéder directement à une retenue de solde, soit, d’informer le militaire concerné de son intention de procéder à une retenue de solde par courrier, ces deux « actes » doivent être contestés par le biais d’un recours administratif devant la commission des recours des militaires (CRM), avant tout recours contentieux devant le tribunal administratif.

En revanche, les titres de perception portant sur des créances de l’Etat doivent, en principe, faire l’objet d’une réclamation préalable obligatoire auprès du comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du titre de recette en cause (article 118 alinéas 1 et 2 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique) :

« En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer.

Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause (…) ».

Ainsi, lorsque l’administration estime qu’un militaire a perçu un indu de solde et qu’elle décide de lui adresser directement un titre de perception aux fins de restitution du « trop perçu », alors le militaire concerné doit faire précéder son éventuel recours contentieux contre ledit titre, d’un recours gracieux auprès du comptable chargé de son recouvrement.

C’est ce qu’a rappelé la cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt de principe du 29 mai 2019 (req. n°17BX01662) :

« 5. Toutefois, il résulte des dispositions reproduites ci-dessus que si la lettre par laquelle l'administration informe un militaire de son intention de procéder à une retenue sur sa solde n'est pas au nombre des exceptions énumérées au III de l'article R. 4125-1 du code de la défense et doit donc faire l'objet d'un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires et si, dans l'hypothèse où l'administration procéderait directement à une retenue sur la solde d'un militaire sans information préalable, la décision révélée par cette opération de dépense régie par l'article 128 du décret du 7 novembre 2012 devrait également être précédée d'un recours devant cette commission, en revanche, en cas de notification au militaire d'un titre de perception, l'opposition à ce titre, émis en application des dispositions de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, doit être précédée, conformément aux dispositions du 2° du III de l'article R. 4125-1 du code de la défense, d'une réclamation au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, et non d'un recours devant la commission des recours des militaires ».

Concrètement, à réception du recours gracieux du militaire, le comptable public accuse réception du recours et le transmet au CERHS à l’origine du titre qui dispose d’un délai de 6 mois pour répondre au recours (article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique).

A défaut de réponse du Centre Expert des Ressources Humaines et de la Solde (CERHS) dans ce délai, le recours gracieux du militaire concerné sera regardé comme ayant été rejeté.

Le militaire pourra alors saisir le tribunal administratif compétent dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la décision explicite ou de l’intervention de la décision implicite de rejet du recours par le CEHRS :

« (…) Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée.

La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent » (article 118 alinéas et 4 du décret précité n°2012-1246 du 7 novembre 2012)

En conclusion, lorsqu’un militaire reçoit un document relatif à un indu de solde, il lui est conseillé de saisir un avocat en droit militaire qui définira quel type de recours administratif préalable il doit introduire avant de saisir éventuellement un tribunal administratif.

Dans tous les cas, il est quasi certain qu’une requête directe devant un tribunal administratif sera jugée irrecevable si elle n’a pas été précédée d’un recours administratif devant la commission des recours des militaires (CRM) ou devant le comptable public.

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.



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