Mutation et sanction des militaires : vous devez êtres informés du contenu des auditions réalisées
-Lorsqu’une mesure est prise en considération de la personne d’un militaire ou d’un gendarme (MOIS ou sanction notamment), l’institution doit lui communiquer tous les éléments utiles à sa défense, dont notamment, lorsqu’une enquête administrative est réalisée, les auditions réalisées et le rapport d’enquête.
A titre dérogatoire, l’administration peut décider de ne pas transmettre certaines auditions, si et seulement si cette décision résulte d’une volonté de protéger les personnes auditionnées.
Dans ce cas, il lui appartient d’informer le militaire ou le gendarme concerné, de manière suffisamment précise, du contenu des auditions concernées, afin de lui permettre de présenter utilement sa défense.
Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, accompagne les militaires et les gendarmes dans leurs recours contre les décisions de sanction et/ou de mutation prononcées à leur encontre et les conseille sur les moyens susceptibles d’être soulevés contre ces décisions :
Les militaires et les gendarmes disposent du droit de se voir communiquer leur dossier administratif individuel avant toute décision prise en considération de leur personne - sanction ou mutation d’office notamment - (article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905) :
« Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ».
Aux termes de l’article 18 du statut général de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors), le dossier administratif individuel des militaires et des gendarmes doit comporter toutes les pièces intéressant leur situation administrative :
« Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. (…) »
Dans son arrêt du 23 novembre 2016, le Conseil d’Etat avait déjà rappelé que le dossier de demande de mutation d’office communiqué à un militaire devait notamment comporter tous les témoignages utiles à sa défense :
« 3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorité militaire a sollicité les témoignages écrits des membres de la section législation que M. B...dirigeait afin d'apprécier les conséquences du comportement du commandant à l'égard de son adjointe ; qu'il est constant que ni le dossier disciplinaire communiqué le 18 décembre 2015 au requérant par l'auteur de la demande de sanction, ni le dossier de demande de déplacement d'office communiqué le 6 janvier 2016 à M. B...ne comportaient ces témoignages pourtant utiles à sa défense ; qu'ils auraient dû y figurer en application des dispositions précitées de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que celles-ci ont donc été méconnues par l'autorité militaire ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à demander l'annulation des décisions de sanction et de mutation qu'il attaque ; » (CE, 23 novembre 2016, req. n°397733)
Le 5 février 2020, le Conseil d’Etat avait rappelé, en particulier, que lorsqu'une enquête administrative est diligentée sur le comportement d'un militaire ou d’un gendarme, le rapport établi à l'issue de cette enquête et les auditions des personnes entendues sur le comportement du militaire concerné, font partie des pièces qu'il doit se voir communiquer, y compris lorsque l’enquête a été confiée à un corps d'inspection :
« 3. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné ». (Conseil d’Etat, 5 février 2020, req. n° 433130).
Dans son arrêt du 21 octobre 2022 (req. n°456254), le Conseil d’Etat était venu préciser qu’un éventuel défaut de communication des rapports et procès-verbaux pris dans le cadre d’une enquête administrative n’entachait la décision finale d’irrégularité que si le miliaire concerné, informé de l’existence de ces rapports et PV, en avait demandé communication :
« 6. Il ressort des pièces du dossier que M. B. a été informé, lors d'un entretien avec le préfet, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, qu'il allait être proposé au Président de la République de mettre fin à ses fonctions de sous-préfet de Lorient et qu'il avait la possibilité de consulter son dossier et de formuler des observations, ce qu'il a fait. Si le dossier consulté ne comprenait pas les cinquante-huit procès-verbaux des auditions d'agents et personnalités réalisées dans le cadre de la mission d'évaluation menée par le conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation, il ressort des pièces du dossier que M. B., qui avait connaissance de cette liste qui figurait en annexe du rapport qui lui avait été communiqué et qui était au dossier consulté, n'a pas demandé la communication de ces pièces. Dans ces conditions, M. B. n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même d'obtenir communication de l'intégralité de son dossier en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et que la mesure mettant fin à ses fonctions a été prise au terme d'une procédure irrégulière » (CE, 21 octobre 2022, req. n°456254).
Désormais, par son arrêt du 28 avril 2023, le Conseil d’Etat a jugé que, dans l’hypothèse où l’administration décide d’écarter certains témoignages, il lui appartient d’informer le militaire concerné du contenu des témoignages non transmis, de façon suffisamment précise, afin qu’il puisse se défendre utilement (CE, 28 avril 2023, req. n° 443749) :
« 5. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. Dans ce cas, l'administration doit informer l'agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu'il puisse se défendre utilement ».
En l’espèce, un agent public avait fait l’objet d’une mesure « de mutation » pour motif tenant à sa personne et avait reçu communication d'une partie seulement des auditions réalisées dans le cadre de l’enquête administrative le concernant.
Le fonctionnaire concerné a contesté les décisions litigieuses auprès du Conseil d’Etat.
Après avoir constaté que l’administration ne justifiait d’aucun motif précis justifiant la non-communication des nombreux témoignages non transmis à l’intéressé, le Conseil d’Etat a annulé cette décision de mutation :
« M. B. n'a eu communication que de certains des quarante-quatre comptes rendus d'audition annexés au rapport. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas allégué que cette communication parcellaire avait pour objet de protéger les personnes qui avaient témoigné sur la situation en cause, M. B. est fondé à soutenir qu'il n'a pas reçu communication de l'ensemble des pièces qu'il était en droit d'obtenir en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, afin de préparer utilement sa défense, et que, par suite, la procédure préalable à l'édiction du décret attaqué a été entachée d'irrégularité ».
Ces différents arrêts du Conseil d’Etat apporte un éclairage important aux militaires et aux gendarmes s’agissant des éléments qui doivent leur être communiqués avait toute mesure de mutation (MOIS) prise en considération de leur personne et/ou de sanction disciplinaire.
En résumé, il appartient à l’administration de leur communiquer tous les éléments utiles à leur défense, au premier rang desquels figurent, bien sûr, les auditions réalisées et le rapport d’enquête administrative éventuel.
Par exception, l’administration peut décider de ne pas transmettre certaines auditions, si et seulement si ce choix émane d’une nécessité de protéger les personnes auditionnées.
Dans ce cas, il lui appartient d’informer le militaire ou le gendarme concerné du contenu des auditions concernées afin de lui permettre de présenter utilement sa défense.
Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, assiste et représente les militaires et les gendarmes dans tous leurs recours contre les décisions de mutation d’office ou de sanction.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
Pour en savoir plus sur la communication du dossier des militaires faisant l'objet d'une procédure de sanction ou de mutation, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème :
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