
Démission des militaires : comment contester un refus de résiliation de contrat ?
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Lorsqu’un militaire souhaite démissionner ou demande à résilier son contrat d’engagement en vue d’une reconversion dans le civil, il doit solliciter l’agrément du ministre des Armées (ou du ministre de l’Intérieur pour les gendarmes).
Le ministre ne peut refuser la résiliation de son contrat au militaire concerné que pour des motifs tirés des besoins du service, lesquels ne peuvent être fondés sur les considérations générales mais doivent tenir compte de la situation personnelle du militaire concerné.
Pour contester un refus de démission, les militaires concernés doivent saisir la commission des recours des militaires (CRM).
En cas d’urgence, les militaires peuvent, au surplus, saisir le juge des référés d’une demande de suspension de la décision de refus de résiliation de leur contrat d’engagement.
Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, conseille les militaires sur les recours susceptibles d’être introduits contre les refus de démission qui leur sont opposés, qu’il s’agisse de recours auprès de la commission des recours des militaires (CRM) ou de recours auprès des tribunaux administratifs notamment en référé :
1.- Démission des militaires : les refus d’agrément doivent être fondés sur des besoins réels de service
Par principe, lorsqu’un militaire a signé un contrat d’engagement, il ne démissioner, à sa demande, qu’après avoir obtenu l’agrément du ministre compétent.
Ainsi, un militaire qui souhaite postuler dans le secteur civil doit, au préalable, solliciter la résiliation de son contrat d’engagement et obtenir l’accord du ministre compétent.
Lorsque le militaire concerné a reçu une prime de lien au service ou suivi une formation spécialisée, ses conditions de départ se durcissent davantage puisqu’il dispose d’un lien au service, et sa demande ne pourra être acceptée que pour des motifs exceptionnels :
« La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire. La démission ou la résiliation du contrat (…) ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité. (…) » (article L. 4139-13 du code de la défense).
Cependant, même sans lien au service, les militaires se voient fréquemment opposé un refus d'agrément à leur demande de démission.
A cet égard, la jurisprudence impose que le ministre motive son éventuel refus de résiliation du contrat d’engament du militaire concerné, par des motifs tirés des besoins réels du service.
En particulier, la cour administrative d’appel de Marseille a eu l'occasion de préciser qu’il appartient au ministre des Armées, qui refuse la résiliation du contrat d’engagement d’un militaire, de justifier ce refus par des considérations opérationnelles et des motifs tirés des besoins du service :
« 6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des tableaux fournis par le ministre des armées en appel que le nombre total de postes de pilotes de l'aéronautique navale filière " hélicoptère " est passé de 108 en 2019, à 101 en 2020, 105 en 2021 et 114 en 2022. Le nombre de postes occupés est passé pour les mêmes années de 99, à 95, puis 94 et 104 tandis que le nombre de postes non pourvus est passé de 9 en 2019, 6 en 2020, 11 en 2021 et 10 en 2022. Si de tels chiffres tendent à établir que tous les postes de pilotes ouverts ne sont pas pourvus, ces seuls éléments ne permettent pas de démontrer que les besoins de la marine nationale auraient justifié de maintenir l'intéressé en poste. En effet, d'une part, M. B a formulé sa demande le 17 septembre 2019, soit plus de deux ans avant la date de résiliation envisagée, à savoir le 30 septembre 2021, un tel délai permettant à l'administration d'anticiper son départ. D'autre part, M. B soutient sans être contesté, que, affecté au service formation de la base de Hyères pour une durée de deux ans depuis le 1er octobre 2021, il a temporairement perdu ses qualifications aéronautiques et opérationnelles. Dans ces conditions, le ministre des Armées n'établit pas que le refus qui a été apporté à la demande de M. B de mettre fin à son contrat d'officier, serait justifié par des considérations opérationnelles et de service ». (CAA Marseille, 21 octobre 2022, req. n° 22MA02076).
Précisément, il appartient au ministre de justifier de l’intérêt impératif à maintenir le militaire demandeur sur le poste qu’il occupe et de justifier des difficultés qui pourraient être générées par la vacance de son poste :
« 7. Pour justifier de ce motif exceptionnel, l'intéressé fait valoir une promesse d'embauche au sein d'une association de parachutisme, de sa volonté de quitter l'institution afin de s'épanouir professionnellement dans le milieu civil lui permettant d'allier au mieux vie familiale et vie professionnelle et du caractère exceptionnel de la localisation de l'offre d'emploi sur place répondant à ses qualifications sur un secteur d'emplois de niche et de sa proposition de rembourser les frais de scolarité liés à sa dernière formation au regard de son départ anticipé dont il est conscient. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le ministre des Armées en refusant de libérer le requérant de ses liens contractuels sans justifier de la nécessité et de l'intérêt impératif du service de maintenir M. A sur le poste qu'il occupe en qualité de technicien de conditionnement " para-largage " à l'école des troupes aéroportées (ETAP), située à Pau, et des difficultés potentielles générées par la vacance de son poste, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont il est demandé la suspension compte tenu de la validité du motif exceptionnel ». (TA Pau, 23 décembre 2022, req. n° 2202603).
A ce sujet, les avis favorables des supérieurs du militaire concerné doivent être pris en compte dans l’appréciation des tensions en termes d’effectifs :
« 5. En ce qui concerne la situation de sous-effectifs en officiers de niveau fonctionnel NF5a au sein du COMFORMISC, il ressort toutefois des pièces du dossier que (…) l'administration n'a pas produit d'avis motivé de la part du service des ressources humaines gérant directement les effectifs du COMFORMISC. Par ailleurs, M. A a produit un avis favorable à sa demande d'agrément en date du 12 avril 2019 présenté comme ayant été établi par le colonel sous les ordres desquels il était placé depuis son affectation à l'état-major des formations militaires de la sécurité civile. (…) Il ressort également de ses bulletins de notation d'officier établis en juin 2019 et mai 2020 que ses supérieurs n'étaient pas opposés à son évolution vers un poste dans la fonction publique civile (…).
6. En outre si la ministre des Armées démontre dans ses écritures en défense qu'elle a examiné à raison les besoins de ses services en officiers de niveau fonctionnel NF5a dès lors que M. A relevait d'un tel niveau depuis le 1er août 2019, (…) il ressort de cette même note que lesdits officiers étaient en revanche en surnombre dans la filière dite SEC-FPS (sécurité - force de protection et de secours) avec 34 postes réalisés pour 30 postes décrits en organisation. Cette absence de sous-effectif est corroborée par un document élaboré par cette même direction, intitulé " Conclusions GPEEC cycle 2021-2026 " qui précise que cette filière est " sans problématique particulière concernant les officiers ". Enfin, M. A (…) fait également valoir pour établir l'absence de tension particulière en officiers expérimentés au sein du CONFORMISC qu'il a été muté sur un autre poste peu de temps après la décision attaquée, le 1er août 2020. Alors que la ministre n'a ni démontré ni même allégué qu'il n'aurait pas été possible de redéployer à brève échéance les effectifs en officiers de niveau NF5a de la filière SEC-FPS vers le CONFORMISC ou qu'il n'y avait pas de possibles sureffectifs au sein du CONFORMISC parmi les officiers d'autres niveaux fonctionnels permettant de pallier le sous-effectif constaté en officiers NF5a sans préjudice pour le service, il ne ressort ainsi pas manifestement des pièces du dossiers qu'il aurait existé le 7 janvier 2020 un intérêt du service tenant à une situation de sous-effectif justifiant le refus d'accorder à M. A l'agrément qu'il sollicitait » (TA Paris, 8 juill. 2022, req. n°2014248).
Dans une affaire remportée par le cabinet Obsalis Avocat, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rappelé que des circonstances générales relatives à la fidélisation des personnels et à la stabilisation des ressources humaines ne suffisent pas à justifier un intérêt pour le service, d'autant moins lorsque l'administration ne démontre pas que le militaire sera sollicité pour ses compétences réelles (TA Châlons-en-Champagne, ord.16 mai 2023, req. n°2300914) :
« 5. Ainsi qu’il a été rappelé au point 2, le refus d’agrément opposé par le ministre des armées à la demande de résiliation de son engagement présentée par M. PP est motivé aux termes du second refus en litige par « l’intérêt du service ». Toutefois, en dehors de considérations de principe sur le devoir d’honorer un engagement pris, les circonstances générales dont se prévaut le ministre, relatives pour l’essentiel à la nécessité de disposer des compétences d’un officier aguerri et impliqué compte tenu des exigences qui s’attachent au poste sensible occupé par M. PP ou celles relatives à la fidélisation des personnels opérationnels et à la stabilisation des ressources humaines du ministère ne sont pas de nature, dans le cas d’espèce, à caractériser un intérêt du service justifiant le refus opposé à la demande alors que le ministre n’avance aucun élément sur l’activité future de M. PP jusqu’au terme de son contrat dans trois ans justifiant qu’il soit maintenu en poste et sera sollicité pour ses compétences. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre des armées a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de sa situation en refusant sa demande de démission après lui avoir opposé l’intérêt du service est de nature, en l’état de l’instruction à faire naître un doute sur la légalité de la décision du 5 avril 2023 ».
Dans une autre affaire récente, le tribunal administratif de Nancy a précisé également que les refus d’agrément doivent prendre en considération la situation personnelle du militaire demandeur, et que des motifs tirés du caractère prématuré de sa demande, du risque de créer un « précédent », de l’absence de pièces justificatives, du coût des formations qu’il a suivies, ou encore des « règles de gestion », ne sont pas de nature à justifier un refus de démission (TA Nancy, ord. 28 août 2025, req. n°2502638) :
« Il résulte de l’instruction et notamment des divers avis qui ont été transmis que pour refuser d’agréer sa demande de résiliation de son contrat d’engagement, l’administration lui a successivement opposé le caractère prématuré de sa demande, l’absence de harcèlement, le risque de créer un « précédent », l’absence de pièces justificatives, son absence au régiment et des « règles de gestion ». Le 17 juin 2025, il a également été indiqué à l’intéressé que s’il souhaitait que sa demande aboutisse, « il devra au moins revenir au régiment pour signer son FUD ». Aucun de ces motifs ne justifie de l’intérêt du service à lui refuser l’agrément demandé. Dans le cadre de la présente instance, le ministre évoque en des termes très généraux, le besoin d’effectif au sein de l’armée et la nécessité de fidéliser les agents recrutés sans prendre en considération la situation personnelle de requérant et plus particulièrement sa motivation de changement d’orientation pourtant clairement exprimée dès janvier 2025. Au surplus, s’agissant en particulier du besoin d’effectifs pour lequel il existe un léger déficit (moins de 2%) pour le régiment auquel est affecté le requérant, un des avis produit, favorable au requérant, fait état d’ « effectifs réalisés » et de la difficulté à maintenir un agent en difficulté. Par ailleurs, le coût des formations que le requérant a suivies ne saurait justifier le refus d’agrément dès lors qu’il est constant qu’elles ont été dispensées lors de la période probatoire durant laquelle il peut être mis fin au contrat sur simple demande, ce qui expose l’armée, dans tous les cas, à former des militaires à perte. L’incompatibilité de la demande de M. L fondée sur des circonstances étayées propres à sa situation personnelle de l’intéressé avec les contraintes de gestion de service n’est, par suite en l’état de l’instruction, pas établie ».
Ainsi, les militaires qui se voient opposer un refus de résiliation de leur contrat d’engagement fondé sur des considérations générales, extérieures aux besoins du service et ne prenant pas en compte leur situation personnelle, peuvent saisir la commission des recours des militaires (CRM) et, en cas d'urgence, le tribunal administratif en référé, en vue de la suspension de la décision de refus d’agrément.
2.- Le référé suspension : recours d’urgence contre les refus de résiliation de contrat des militaires
2.1 – Introduction préalable d’un recours auprès de la Commission des recours des militaires (CRM)
Le militaire qui souhaite contester un refus d’agrément opposé à sa demande de démission doit faire précéder toute éventuelle requête, d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM) (article R. 4125-1 I du code de la défense) :
« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l’encontre d’actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ».
Par son arrêt de principe du 7 octobre 2015, le Conseil d’Etat a précisé que lorsque le recours préalable a valablement été introduit auprès de la CRM, le militaire lésé peut saisir le juge des référés sans attendre la réponse du ministre sur ledit recours préalable (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492) :
« 3. Considérant que l'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; qu'une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée ; que, saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé ; ».
Le militaire concerné est alors dispensé d’introduire une requête en annulation, laquelle est habituellement obligatoire en matière de référé suspension (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492) :
« 4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé la demande de M. B...irrecevable au motif que le requérant n'avait pas formé de recours en annulation contre cette décision ; que ce faisant, le juge a commis une erreur de droit dès lors que le recours contre cette décision devait faire l'objet d'un recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, en application de l'article L. 4125-1 du code de la défense, et que la recevabilité de la demande de suspension était subordonnée non à l'existence d'un recours au fond, mais, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, à l'exercice de ce recours administratif préalable ; que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...avait saisi cette commission avant la saisine du juge des référés d'une demande de suspension ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ; ».
En cas d’urgence, les militaires peuvent donc saisir le juge des référés d’une demande de suspension des refus de résiliation de leur contrat d’engagement sous réserve d’avoir préalablement introduit un recours devant la commission des recours des militaires (CRM).
Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, conseille et représente les militaires tant auprès de la commission des recours des militaires (CRM) qu’auprès des tribunaux administratifs.
2.2.- Recours en référé contre les refus de démission : comment démontrer l’urgence ?
En référé, il appartient au militaire qui entend obtenir la suspension de l’exécution du refus d’agrément opposé à sa demande de démission de démontrer une urgence.
Par principe, la condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre (CE, 19 janv. 2001, Confédération nationale des radios libres, req. n°288815).
S’agissant des refus de démission opposés aux militaires, la jurisprudence considère que la condition d’urgence doit être regardée comme remplie si la décision litigieuse contraint un militaire à renoncer à un emploi dans le secteur civil qui lui permettrait de concilier sa vie professionnelle et familiale (TA Pau, Ord. 23 décembre 2022. req. n°2202603) :
« 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A bénéficie d'une opportunité d'emploi dans le secteur privé, au sein d'une association de parachutisme, correspondant à sa qualification et qui lui permettrait de concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale, à laquelle la décision litigieuse le contraint à renoncer. Compte tenu de l'échéance fixée par l'association " Pau parachutisme passion ", employeur potentiel du requérant au 2 janvier 2023 pour postuler, qui correspondant à sa date d'embauche en tant que moniteur " PAC-TANDEM ", pour un contrat à durée déterminée d'un an renouvelable, la décision attaquée doit être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à sa situation constitutive d'une situation d'urgence, au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, sans que la circonstance que le requérant aurait dû contester directement la décision du 24 février 2022 par un référé-suspension ne puisse caractériser un défaut d'urgence de sa demande ».
Dans l’affaire précitée remportée par le cabinet Obsalis Avocat, le juge des référés a « additionné » plusieurs éléments relatifs à la situation personnelle et professionnelle du militaire concerné pour considérer qu’ils étaient de nature à créer une situation d’urgence pour le requérant, à savoir, le terme de la proposition d’embauche dont il disposait, la situation de santé de sa mère qui nécessitait sa présence à ses côtés et les avis favorables de supérieurs hiérarchiques (TA Châlons-en-Champagne, ord.16 mai 2023, req. n°2300914) :
« M. PP établit par les pièces versées à l’instruction que le refus en litige s’il n’est pas suspendu, fera obstacle à ce qu’il puisse donner suite à une proposition d’embauche en qualité de « chargé du maintien en condition opérationnelle et politiques de défense » proposée par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, laquelle a accepté de reporter son recrutement au plus tard le 1er juin 2023. Ainsi, l’absence d’agrément de sa demande de résiliation de son contrat remet en cause la possibilité pour le requérant de conclure ce contrat de travail et s’avère dommageable pour lui alors que la formation dont a bénéficié M. PP et son expérience professionnelle sont en adéquation avec les missions de ce poste. En outre, il résulte tant des pièces de l’instruction écrite que des débats au cours de l’audience publique que le requérant se trouve du son fait de la localisation de son affectation dans l’Aube contraint de ne pouvoir prêter assistance à sa mère, alors que la détérioration de l’état de santé de cette dernière requiert la présence régulière à ses côtés de son fils. Si le ministre des armées invoque l’intérêt public, tenant aux besoins du service, auxquels le départ de M. PP, serait préjudiciable, compte tenu de sa spécialité et de son expertise, les pièces versées à l’instruction et les indications données à l’audience révèlent que le supérieur hiérarchique direct du requérant et le chef de corps ont tous deux émis un avis favorable à son départ et que les personnels de la section où il est affecté sont en mesure d’accomplir les missions assumées par M. PP, lesquelles au demeurant paraissent essentiellement relever de tâches administratives sans spécificités. Cette suspension du refus ne remettrait pas ainsi en cause la qualité de l’exécution du service. Dans ces circonstances, la décision attaquée doit être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant constitutive d’une situation d’urgence, au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ».
Ainsi, les militaires qui disposent d’une proposition d’embauche dans le civil peuvent envisager de saisir le juge des référés en vue de leur départ dans le civil s’ils sont en mesure de démontrer que leur départ présente un degré d’urgence au regard notamment de leur situation personnelle et professionnelle.
De même, dans l’affaire récente précitée, jugée par le tribunal administratif de Nancy, le juge des référés a également additionné divers éléments relatifs à la situation de l’intéressé à savoir notamment, son mal être et sa santé psychique dégradée depuis son entrée dans l’armée ainsi que son admission en études supérieures dans un cursus universitaire pour admettre l’urgence à suspendre la décision de refus de résiliation de contrat (TA Nancy, ord., 28 août 2025, req. n°2502638) :
« Il résulte de l’instruction que M. L a, dès janvier 2025, exposé clairement les raisons qui l’ont conduit à demander la résiliation de son contrat. Il a en particulier indiqué les difficultés grandissantes auxquelles il se trouve confronté à s’adapter à la vie militaire, son aveu d’avoir fait preuve d’une certaine immaturité à s’être engagé à l’âge de 18 ans dans l’armée et son souhait de reprendre ses études par son inscription dans le dispositif d’affectation dans l’enseignement supérieur Parcoursup. Il justifie de l’acceptation le 5 juillet 2025 de son admission à l’université d’Amiens en DEUST « Animation et gestion des activités physiques, sportives et culturelles ». Dès lors que le mal être de M. L est suffisamment établi tant par son témoignage constant depuis janvier 2025 que par le certificat médical qu’il produit, alors même qu’il n’aurait pas été victime de fait de harcèlement, et que le caractère effectif de son inscription en étude supérieure est justifié, le refus d’agrément de sa demande de résiliation porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation sans que le ministre des Armées ne puisse utilement faire valoir qu’il pourra bénéficier de cette même formation à l’issue de son contrat, ce qui est parfaitement hypothétique, qu’il aurait dû renoncer à son contrat dans la période probatoire et que son contrat lui apport des avantages matériels qu’il perdre en s’engageant dans un cursus universitaire. L’urgence est par suite caractérisée ».
Les militaires qui justifient d’une inscription en études supérieures peuvent donc également envisager de saisir le juge des référés d’une requête tendant à la suspension du refus opposé à leur demande de démission.
S’il fait droit à leur demande, le juge des référés peut ordonner le réexamen de la demande dans un délai de 8 jours, qui permettra au militaire concerné de répondre favorablement à la promesse d’embauche dont il dispose ou de poursuivre son cursus universitaire :
« 7. Il y a lieu d’enjoindre au ministre des armées de réexaminer la demande de démission de M. PP dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux autres conclusions à fin d’injonction. »
Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste les militaires dans la rédaction de leur demande de résiliation de contrat, et les représente dans leurs recours contre les éventuels refus de démission qui leur sont opposés, qu’il s’agisse de recours auprès de la CRM, de requête en annulation ou de requêtes en référé suspension auprès des tribunaux administratifs.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement par les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, refus d’agrément, etc.
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