Lien au service des militaires : la prorogation automatique de votre contrat d'engagement est illégale et susceptible de recours !

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Les militaires et les gendarmes dont la durée du contrat d’engagement ne leur permet pas d’honorer leur lien au service s’engagent en principe à accepter un renouvellement de contrat leur permettant de couvrir l’intégralité de leur lien au service.

 

Toutefois, un contrat ne peut être renouvelé ou prorogé qu’avec l’accord des parties.

 

A défaut d’acceptation du renouvellement de contrat qui leur est proposé, le militaire concerné est tenu de rembourser la formation spécialisée dans les conditions fixées par les textes.

 

Mais qu’en est-il des décisions administratives portant prorogation automatique des contrats des militaires en vue de les contraindre à honorer leur lien au service ?

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur la légalité de ces décisions et les représente dans leurs recours :

 

 

1.- Démission, lien au service et remboursement des salaires perçus

 

. L’article R. 4139-50 du code de la défense prévoit que le militaire admis à une formation spécialisée s’engage à servir en position d’activité ou en détachement pendant toute la durée du lien au service prévu pour cette formation à compter de la date d’obtention du certificat, brevet ou diplôme validant la formation ou, à défaut d’obtention dudit titre, de la date de la fin de la formation :


« (…) Le militaire admis à une formation spécialisée s'engage à servir en position d'activité ou en détachement d'office, pour la durée fixée par l'arrêté mentionné au premier alinéa, à compter de la date d'obtention du titre validant la formation ou, à défaut, de la date de la fin de la formation.


Le militaire dont la limite d'âge ou la limite de durée de service ne permet pas de respecter la durée de lien au service exigée à l'issue de la formation spécialisée souhaitée n'est pas autorisé à suivre ladite formation ».

 

La liste des formations spécialisées concernées et la durée du lien au service qui leur est attachée sont fixées par l’arrêté du 4 août 2023 fixant la liste des formations spécialisées et la durée du lien au service qui leur est attachée.

 

. D’autre part, en application des dispositions de l’article L. 4139-13 du code de la défense, les militaires qui ont effectué une formation spécialisée, ne peuvent obtenir un agrément du ministre des Armées (ou de l’Intérieur, pour les gendarmes) concernant leurs demandes de résiliation de leur contrat ou de démission que pour des motifs exceptionnels :

 

« La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire. La démission ou la résiliation du contrat (…) ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité. (…) ».

 

Ainsi, si, pour des motifs exceptionnels, un militaire parvient à obtenir un agrément en vue de sa démission ou de la résiliation de son contrat, malgré son lien au service, il sera tenu au remboursement des salaires qu’il aura perçu durant sa formation, au prorata du temps de lien au service non effectué, affecté d’un coefficient multiplicateur (article R. 4138-51 du code de la défense) :


« (…) A moins qu'il en soit disposé autrement dans les statuts particuliers, le montant du remboursement est égal au total des rémunérations perçues pendant la période de formation spécialisée, affecté d'un coefficient multiplicateur dont le taux est fixé par l'arrêté mentionné au premier alinéa de l'article R. 4139-50. Ce montant décroît proportionnellement au temps obligatoire de service accompli à l'issue de cette formation spécialisée ».

 

Dans ces conditions, la question se pose de savoir si le contrat d’engagement d’un militaire peut être prorogé d’office, à l’initiative de son gestionnaire, afin de le contraindre à aller jusqu’au terme de la durée de son lien au service.

 

 

2.- Lien au service et prorogation de contrat des militaires

 

Aux termes de l’article 2 de l’arrêté susvisé du 4 août 2023 fixant la liste des formations spécialisées et la durée du lien au service qui leur est attachée :


« Le militaire servant en vertu d'un contrat qui refuse de souscrire un contrat destiné à lui permettre de satisfaire à cette durée de lien au service est tenu au remboursement prévu à l'article R. 4139-51 du même code ».

 

Le point 3.3 de la circulaire du 12 mai 2010 n°3693/DEF/DRHAA/SDGR/BGA/DADM/DME/DAA/DNA

relative aux liens au service à la suite des formations spécialisées du personnel militaire de l'armée de l'air précise également ce qui suit :

 

« 3.3. Lien au service et renouvellement de contrat d'engagement.

L'existence d'un lien au service n'entraîne pas le renouvellement systématique du contrat.

Lorsque le contrat d'engagement en cours ne couvre pas la totalité du lien au service, il sera souscrit le contrat complémentaire suffisant.

Le militaire qui refuserait de souscrire le contrat qui lui est proposé et destiné à lui permettre de satisfaire à cette durée du lien au service est tenu au remboursement prévu à l'article R. 4139-51 du code de la défense ».

 

De même, l’article 19 du décret n° 2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés prévoit qu’un militaire bénéficie d’un délai d’un mois à compter de toute éventuelle proposition de renouvellement de contrat pour faire connaître son acceptation. A défaut, il sera regardé comme l’ayant refusé :

 

« Pour les contrats d'une durée égale ou supérieure à un an, le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires engagés de la gendarmerie nationale, notifie par écrit son intention de renouveler ou non le contrat d'engagement d'un militaire au moins six mois avant le terme.


Le militaire engagé à qui est proposé le renouvellement du contrat dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation par écrit. L'absence de réponse dans ce délai vaut renonciation ».

 

Enfin, et surtout, les articles 1213 et 1214 du code civil prévoient expressément que les contrats ne peuvent être prorogés que si les deux parties en manifestent la volonté avant son expiration ou par l’effet de la loi :

 

  • Article 1213 du code civil : « Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. La prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ».

 

  • Article 1214 du code civil : « Le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l'effet de la loi ou par l'accord des parties.

Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée ».

 

Il résulte de la combinaison de toutes ces dispositions qu’une décision administrative qui prorogerait unilatéralement le contrat d’engagement d’un militaire, en vue de le contraindre à aller jusqu’au terme de la durée de son lien au service serait illégale et susceptible de recours.

 

Le cabinet d’avocat en droits des militaires, Obsalis Avocat, conseille les militaires dans leurs démarches et les représente dans leurs recours.

 

 

3.- Recours des militaires contre les décisions de prorogation de leur contrat d’engagement

 

Sauf exception, l’article R. 4125-2 du code de la défense impose aux militaires qui souhaitent contester une décision administrative relative à leur situation personnelle, de saisir la commission des recours des militaires (CRM) avant toute saisine du juge administratif :

 

« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux.

 

Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (…) ».

 

Ainsi, un militaire qui entend contester une décision administrative par laquelle l’institution militaire a prorogé unilatéralement son contrat d’engagement devra d’abord, former un recours contre ladite décision devant la commission des recours des militaires (CRM) dans un délai de deux mois suivant sa notification (articles R. 421-1 du code de justice administrative et R. 4125-2 du code de la défense).

 

A compter de l’enregistrement du recours par la commission des recours des militaires (CRM), le ministre des Armées (ou de l’Intérieur, pour les gendarmes) disposera d’un délai de 4 mois pour statuer sur ledit recours.

 

A défaut, le ministre compétent sera réputé avoir implicitement rejeté le recours du militaire concerné (article R. 4125-10 du code de la défense) :

 

« Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. Cette notification, effectuée par tout moyen conférant date certaine de réception, fait mention de la faculté d'exercer, dans le délai de recours contentieux, un recours contre cette décision devant la juridiction compétente à l'égard de l'acte initialement contesté devant la commission.

 

L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. »

 

En cas de rejet de son recours CRM, le militaire concerné disposera d’un délai supplémentaire de deux mois pour saisir éventuellement le tribunal administratif d’une requête en annulation contre la décision de rejet de son recours CRM contre la décision de prorogation de son contrat d’engagement (article R. 421-1 du code de justice administrative) :

 

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) ».

 

Une telle procédure contentieuse étant longue, le militaire concerné pourra envisager de saisir le juge des référés du tribunal administratif afin qu’il statue rapidement et en urgence sur la légalité de la décision de prorogation de son contrat, en vue de la suspension de cette décision (article L. 521-1 du code de justice administrative) :

 

« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (…) »

 

Il appartiendra alors au militaire concerné d’introduire une requête en référé suspension qui pourrait être formée en parallèle du recours CRM, et sans attendre que le ministre ne statue sur ledit recours :


« 3. Considérant que l'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; qu'une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée ; que, saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé ;

 

4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé la demande de M. B...irrecevable au motif que le requérant n'avait pas formé de recours en annulation contre cette décision ; que ce faisant, le juge a commis une erreur de droit dès lors que le recours contre cette décision devait faire l'objet d'un recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, en application de l'article L. 4125-1 du code de la défense, et que la recevabilité de la demande de suspension était subordonnée non à l'existence d'un recours au fond, mais, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, à l'exercice de ce recours administratif préalable ; que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...avait saisi cette commission avant la saisine du juge des référés d'une demande de suspension ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ; » (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492).

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, éclaire les militaires sur les chances de succès de leurs recours et les représente dans leurs recours contre les décisions de prorogation automatique de leurs contrats d’engagement tant devant la commission des recours des militaires (CRM) que devant les tribunaux administratifs.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris.
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.


Pour en savoir plus sur les le lien au service et la résiliation de contrat des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 

 

 

 

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