Militaire reçu à un concours de la gendarmerie nationale : pas de remboursement du lien au service

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Lorsqu’un militaire de l’armée de terre, de l’Air et de l’Espace, ou de la Marine nationale est admis à un concours de la gendarmerie nationale, il est, en principe, radié des cadres ou rayé des contrôles à la date de sa nomination au sein de la gendarmerie nationale en qualité d’élève.

 

Si le militaire concerné n’est pas arrivé au terme de son lien au service, la question se pose de savoir s’il est tenu au remboursement de la formation spécialisée dont il a pu bénéficier.

 

Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, conseille et représente les militaires et les gendarmes dans leurs recours en vue de la contestation des titres de perception tendant au remboursement des formations reçues :

 

 

 

1.- Militaire nommé au sein de la gendarmerie nationale : vous n’avez pas à rembourser votre lien au service

 

. En premier lieu, s’agissant du lien au service, aux termes de l’article L. 4139-13 du code de la défense, la démission ou la résiliation de contrat d’un militaire disposant d’un lien au service ne peut être agréée que pour des motifs exceptionnels, qu’il ait ou non droit à la retraite à jouissance immédiate :

 

«  (…) La démission ou la résiliation du contrat, que le militaire puisse bénéficier ou non d'une pension de retraite dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 et à l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité (…) ».

 

L’article R. 4139-50 du code de la défense précise en effet que le militaire admis à une formation spécialisée s’engage à rester en position d’activité durant toute la durée du lien au service fixée par arrêté :

                         

« (…) Le militaire admis à une formation spécialisée s'engage à servir en position d'activité ou en détachement d'office, pour la durée fixée par l'arrêté mentionné au premier alinéa, à compter de la date d'obtention du titre validant la formation ou, à défaut, de la date de la fin de la formation. »

 

L’arrêté du 4 août 2023 fixe précisément la liste des formations spécialisées et la durée du lien au service qui leur est attachée et précise que les militaires engagés doivent, en principe, souscrire un renouvellement de contrat si leur précédent contrat ne leur permet pas d’arriver au terme de leur lien au service :

 

« Le militaire servant en vertu d'un contrat qui refuse de souscrire un contrat destiné à lui permettre de satisfaire à cette durée de lien au service est tenu au remboursement prévu à l'article R. 4139-51 du même code ».

 

Et l’article R. 4139-51 du même code de préciser qu’un militaire disposant d’un lien au service est tenu à remboursement notamment en cas de réussite à un concours de l’une des fonctions publiques, s’il n’a pas bénéficié d’un détachement :


« Le militaire admis à suivre une formation spécialisée est tenu à un remboursement :


1° Lorsqu'il ne satisfait pas à l'engagement prévu au deuxième alinéa de l'article R. 4139-50 ;


En cas de réussite à un concours de l'une des fonctions publiques, si, conformément aux dispositions du 8° de l'article L. 4139-14, il ne bénéficie pas d'un détachement au titre du premier alinéa de l'article L. 4139-1.


A moins qu'il en soit disposé autrement dans les statuts particuliers, le montant du remboursement est égal au total des rémunérations perçues pendant la période de formation spécialisée, affecté d'un coefficient multiplicateur dont le taux est fixé par l'arrêté mentionné au premier alinéa de l'article R. 4139-50. Ce montant décroît proportionnellement au temps obligatoire de service accompli à l'issue de cette formation spécialisée ».

 

A ce sujet, il convient de préciser que le remboursement prévu au 2° de l’article R. 4139-51 du code de la défense précité ne vaut, en principe, qu’en cas de réussite à un concours de l’une des fonctions publiques civiles, comme le prévoit l’article L. 4139-1 du code de la défense.

 

De l’avis du cabinet Obsalis Avocat, les militaires lauréats d’un concours de la gendarmerie nationale sont donc exclus du remboursement prévu par le 2° de l’article R. 4139-51 du code de la défense et ne devraient donc être visés que par le dudit article R. 4139-51.

 

 

. En deuxième lieu, s’agissant de la continuité des services, aux termes de l’article R. 4138-1 du code de la défense :

 

« Le militaire en position d'activité occupe un emploi de son grade lorsqu'il est affecté :

 

Dans les forces armées ou les formations rattachées ; (…) »

 

L’article R. 3225-1 du même code précise que la gendarmerie nationale fait partie intégrante des forces armées :

                    

« La gendarmerie nationale fait partie intégrante des forces armées. (…)

 

L’article L. 4139-12 du code de la défense prévoit quant à lui, que la cessation de l’état militaire intervient le jour de la radiation des contrôles :

 

« L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles (…) ».

 

. A titre d’illustration, la circulaire n°3693/DEF/DRHAA/SDGR/BGA/DADM/DME/DAA/DNA du 12 mai 2010 relative aux liens au service à la suite des formations spécialisées du personnel militaire de l'armée de l'air dispose notamment en son point 3.4 que :


« La durée du lien au service attachée à une formation spécialisée est décomptée tant que le militaire demeure en position d'activité ou de détachement d'office. Dans tous les autres cas, il y a lieu de suspendre le lien au service jusqu'à ce que l'intéressé recouvre une position d'activité ».

 

Il résulte de ce qui précède qu’un militaire de l’armée de Terre, de l’Air et de l’Espace ou de la Marine nationale qui serait radié des cadres ou des contrôles au jour de sa nomination en qualité d’élève dans la gendarmerie nationale devrait être regardé comme demeurant en position d’activité et comme changeant uniquement de force armée.

 

La circonstance que le militaire concerné ait été radié ensuite de la réussite à un concours est sans incidence sur la continuité des services dès lors que la radiation est effectuée au jour de la nomination dans la gendarmerie nationale.

 

Ainsi, à réception d’un éventuel titre de perception en vue du remboursement de sa formation spécialisée, le nouveau gendarme ainsi nommé devrait rapidement envisager de le contester.

 

Dans une affaire remportée par le cabinet Obsalis Avocat, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donné satisfaction totale à un gendarme nouvellement nommé en gendarmerie à la suite de sa radiation de la Marine nationale et l'a totalement déchargé de l'obligation de payer la somme de plus de 78 000 € qui lui était réclamée au titre du remboursement de son lien au service en soulignant la continuité de ses services (TA Châlons-en-Champagne, 10 octobre 2025, n°2400973) : 

 

"3. Il résulte de l’instruction que le titre de perception en litige est fondé sur le non-respect par M. A de son engagement à rester au service pendant une durée de dix ans à compter de l’obtention de son brevet de pilote d’hélicoptère du deuxième degré, en retenant que son lien au service s’est achevé le 20 novembre 2023. Toutefois, à cette même date, M. A était toujours militaire en service actif, ayant seulement changé de statut en étant passé d’engagé par la Marine nationale à militaire de carrière au sein de la gendarmerie nationale, sa fiche individuelle de renseignement indiquant d’ailleurs, un peu plus d’un an après son entrée dans la gendarmerie nationale, qu’il cumulait alors une ancienneté militaire de plus de neuf ans. Dès lors, M. A est fondé à soutenir que le ministre des armées a méconnu l’article R. 4139-51 du code de la défense en émettant à son encontre un titre de perception en retenant à tort qu’il n’aurait pas respecté son engagement de service d’une durée minimale de dix ans.

 

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. A, que ce dernier est fondé à demander l’annulation du titre de perception émis le 19 février 2024 à son encontre et à être déchargé de la somme de 78 225,85 euros qui lui est réclamée".

 

Les gendarmes qui reçoivent un titre de perception en vue du remboursement d'un précédent lien au service doivent donc rapidement envisager de le contester sans laisser échapper les délais de recours.

 

Le cabinet d'avocat militaire, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur les recours envisageables contre les titres de perception tendant au remboursement de leur lien au service, et leurs chances de succès.

 

 

2.- Recours des gendarmes contre les titres de perception tendant au remboursement du lien au service

 

. Les requêtes contentieuses contre les titres de perception doivent être précédées d’un recours préalable obligatoire (RAPO) auprès du comptable public chargé de son recouvrement (article 118 décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique

  

"En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent.".

 

A réception du recours, le comptable public de la DGFiP le transmettra à l’ordonnateur, c’est-à-dire, à la PFC (plateforme commissariat) à l’origine du titre, afin qu’elle statue sur ledit recours.

 

A défaut de décision expresse dans un délai de six mois, le recours administratif préalable obligatoire devra être regardé comme implicitement rejeté.

 

Le militaire concerné disposera alors d’un nouveau délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif territorialement compétent d’une requête contentieuse contre la décision implicite de rejet de son recours (article R. 421-1 du code de justice administrative) :

 

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) »

 

L’introduction du recours préalable obligatoire puis, le cas échéant, de la requête contentieuse, suspend le recouvrement du titre de perception (article 117 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012) :

« Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables :


1° Soit d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ;


2° Soit d'une contestation portant sur la régularité du titre de perception


Les contestations du titre de perception ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance».

 

En effet, les recours contre les titres de perception tendant au remboursement de lien au service sont suspensifs, de sorte que les militaires n’ont pas, en principe, à régler les sommes contestées, tant que le juge n’a pas statué sur la légalité dudit titre.

 

Toutefois, cette suspension du recouvrement ne trouve à s’appliquer que si le comptable public est informé de l’introduction desdits recours.

 

Ainsi, lorsqu’un militaire reçoit un titre de perception tendant au remboursement d’une formation spécialisée, il doit, d’abord, former un recours auprès de la DGFiP.

 

A réception du recours, le comptable public de la DGFiP suspendra automatiquement le recouvrement du titre jusqu’à l’intervention de la décision du ministère sur la « dette » contestée.

 

Ensuite, dans l’hypothèse où le militaire concerné introduirait une requête contentieuse contre la décision de rejet de son recours préalable, il devrait en informer le comptable public de la DGFiP afin qu’il suspende, à nouveau, le recouvrement des sommes litigieuses jusqu’à la notification du jugement.

 

Le cabinet d’avocat militaire, Obsalis Avocat, conseille les militaires et les gendarmes sur les recours contre les titres de perception et les représente dans leurs démarches auprès de la DGFiP et des juridictions administratives.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris.
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement par les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, lien au service, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.


Pour en savoir plus sur le lien au service et la résiliation de contrat des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 

 

 

 

 

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