Le devoir de réserve des militaires et des gendarmes s'applique sur internet même sous pseudonyme

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L’article L. 4111-1 alinéa 2 du code de la défense impose aux militaires un esprit de sacrifice en toute circonstance :

 

« L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation. »

 

Les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code de la défense imposent, quant à eux, un devoir de réserve aux militaires :

 

  • L. 4121-1 du code de la défense : « Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées au présent livre » ;

 

  • L. 4121-2 du code de la défense : « Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres / Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression [...]» 

 

S’agissant des gendarmes, ce devoir de réserve se traduit par des obligations déontologiques inscrites notamment à l’article R. 434-12 dans le code de la sécurité intérieure :

 

« Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. »

 

En l’espèce, dans le cadre d’activités extraprofessionnelles, un capitaine de la gendarmerie nationale avait, sous un pseudonyme, publié, sur plusieurs sites internet relayés par les réseaux sociaux, de nombreux articles critiquant en des termes outranciers l'action de membres du Gouvernement et la politique étrangère et de défense française.

 

A l’appui de ses publications, le gendarme concerné se prévalait notamment de sa qualité d'ancien élève de l'école Saint-Cyr et de l'école des officiers de la gendarmerie nationale.

 

Malgré le fait qu’il ait été mis en garde concernant ces publications, le gendarme en cause avait poursuivi ses publications et avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire de blâme pour manquement à son devoir de réserve.

 

L’officier concerné a contesté cette sanction disciplinaire auprès du Conseil d’Etat.

 

Par son arrêt du 27 juin 2018 (req. n° 412541), le Conseil d’Etat a validé la sanction disciplinaire en rappelant que même si les publications ont été réalisées en dehors du service, sans utiliser les moyens du service, et si l'intéressé ne faisait pas état de sa qualité de militaire, ces publications étaient de nature à constituer une violation du devoir de réserve imposée aux militaires et constitutives d’une faute disciplinaire :

 

« 4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre d'activités extraprofessionnelles, M. B. a publié, sous un pseudonyme, sur plusieurs sites internet relayés par les réseaux sociaux, de nombreux articles critiquant en des termes outranciers et irrespectueux l'action de membres du Gouvernement et la politique étrangère et de défense française ; qu'il s'est prévalu, dans ces publications, de sa qualité d'ancien élève de l'école Saint-Cyr et de l'école des officiers de la gendarmerie nationale ; qu'alors pourtant qu'il avait été mis en garde à ce sujet, il a poursuivi ces publications ; que ces faits, même s'ils ont été commis en dehors du service et sans utiliser les moyens du service et si l'intéressé ne faisait pas état de sa qualité de militaire, sont constitutifs d'une violation de l'obligation de réserve à laquelle sont tenus les militaires à l'égard des autorités publiques, même en dehors du service et fût-ce sous couvert d'anonymat ; que les manquements reprochés à M. C., dont l'inexactitude matérielle n'est pas établie, étaient constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; » (Conseil d’Etat, 27 juin 2018, req. n° 412541)

 

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat confirme ainsi qu’un militaire peut être sanctionné pour manquement à son devoir de réserve même si ses publications sont réalisée en dehors du service et sous couvert d’anonymat, dès lors qu’elle sont de nature à jeter le discrédit sur l’institution.

 

Rappelons, en effet, que le devoir de réserve implique notamment que les militaires et gendarmes ne portent pas atteinte à la considération du service public en jetant le discrédit sur leur administration de rattachement et, plus généralement, qu’ils fassent preuve de mesure lorsqu’ils relatent un fait ou une information dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

 

Quel qu’en soit le motif, une sanction disciplinaire peut toujours être contestée auprès du tribunal administratif, pour les sous-officiers, et auprès du Conseil d’Etat, pour les officiers ; et/ou faire l’objet d’un recours hiérarchique.

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste et représente les militaires et gendarmes dans les procédures disciplinaires engagées à leur encontre, et pour contester les sanctions disciplinaires qui leur sont infligées, tant par la voie de recours hiérarchiques que contentieux.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, accident de service, jurisprudence Brugnot, pension militaire d'invalidité, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 


Pour en savoir plus sur le devoir de réserves des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème :

 

 

 

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