
Accident de service des policiers : l’aggravation de votre état de santé vous donne droit à une indemnisation Moya-Caville
Par principe, les policiers victimes d’accident de service disposent d’un délai de 4 ans à compter du premier jour de l’année suivant celle de la consolidation de leur état de santé pour solliciter une indemnisation au titre de la jurisprudence Moya-Caville.
Cependant, lorsque la prescription fait obstacle à la réparation de leurs dommages, les policiers peuvent toujours solliciter la réparation de leurs préjudices nouveaux résultant de l’aggravation de leur état de santé.
Pour obtenir réparation de leurs préjudices nouveaux résultant de l’aggravation de leur état de santé, il appartiendra aux policiers concernés de démontrer que lesdits préjudices sont directement liés à leur accident de service et qu’ils sont consolidés depuis moins de 4 ans.
Pour ce faire, il leur est vivement conseillé de saisir un avocat en droit de la police, qui saura les conseiller et envisager notamment l’opportunité de solliciter une expertise judiciaire.
Le cabinet d’avocat de policiers, Obsalis Avocat, conseille et représente les fonctionnaires de police dans leurs démarches en vue de l’indemnisation de leurs préjudices :
1.- Indemnisation des policiers au titre de la jurisprudence Moya-Caville et prescription
Par sa jurisprudence dite « Moya-Caville », le Conseil d’Etat a reconnu aux fonctionnaires de police, la possibilité d’obtenir réparation des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément distincts de l’atteinte à l’intégrité physique qu’ils subissent du fait d’un accident de service (CE,ass. 4 juillet 2003, req. n° 211106) :
« Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;».
D’autre part, aux termes de l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics :
« Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ».
S’agissant des actions en indemnisation des policiers au titre de la jurisprudence Moya-Caville, la prescription commence à courir à compter du premier jour de l’année suivant celle de la consolidation du dommage (CE, 20 novembre 2020, req. n°434018) :
« 3. S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime ».
Ainsi, en principe, un fonctionnaire de police ne peut plus se voir indemniser des préjudices résultant d’un accident de service s’il n’a pas saisi son administration de rattachement d’une demande en ce sens dans le délai de 4 ans à compter du premier jour de l’année suivant la date de consolidation de son état de santé.
Cependant, par son arrêt précité du 20 novembre 2020, le Conseil d’Etat a précisé que si la prescription fait obstacle à l’indemnisation d’un policier des préjudices directement liés à son accident de service, elle ne fait pas obstacle à ce qu’il soit indemnisé des infirmités nouvelles résultant de l’aggravation de son état de santé et directement liées au fait générateur :
« 4. La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation ».
En cas de préjudices nouveaux résultant de l’aggravation de l’état de santé d’un fonctionnaire de police après la date de consolidation de son état de santé, la prescription de l’action tendant à la réparation de ladite aggravation court à compter de la date de consolidation desdits préjudices nouveaux.
« (…) Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée ; »
Ainsi, lorsqu’un fonctionnaire de police se voit opposer un refus à une demande d’indemnisation Moya-Caville au motif d’une prescription, il lui faut vérifier si son état de santé ne s’est pas aggravé depuis la date de consolidation et s’il ne peut pas se voir indemniser de ses préjudices nouveaux résultant de son accident de service.
Le cabinet d’avocat en droit de la police, Obsalis Avocat, assiste les policiers dans leurs démarches indemnitaires en vue de la réparation de leurs préjudices liés à un accident de service.
2.- Indemnisation Moya-Caville des policiers et expertise judiciaire
Aux termes de l’article R. 532-1 du code de justice administrative :
« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction »
La prescription d'une mesure d'expertise en application des dispositions précitées est donc subordonnée au caractère utile de cette mesure.
Comme évoqué précédemment, le Conseil d’Etat a jugé qu’en cas de préjudices nouveaux résultant de l’aggravation de l’état de santé d’un fonctionnaire de police après la date de consolidation, la prescription de l’action tendant à la réparation de ladite aggravation court à compter de la date de consolidation des préjudices nouveaux (CE, 20 novembre 2020, req. n°434018) :
« 4. La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée ; »
Le tribunal administratif de Grenoble a également rappelé que la prescription des actions en indemnisation complémentaire des rechutes directement liées à un accident de service commence à courir à compter de la date de consolidation desdites rechutes (TA Grenoble, 15 octobre 2024, req. n° 2106558) :
« 13. Il résulte de l'instruction que l'expertise du 8 septembre 2016 retient une date de consolidation de l'épaule droite au 8 septembre 2016 et mentionne un taux d'IPP de 20 %. Ainsi, le délai de prescription, quadriennale conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 a donc commencé à courir, concernant les préjudices invoqués à raison de la date de consolidation au 1er janvier 2017. Il s'ensuit que la prescription était acquise au 31 décembre 2020. Mme B n'ayant adressé sa demande indemnitaire à la commune de Grenoble que le 1er octobre 2021, ses conclusions indemnitaires ne peuvent, dans cette mesure être accueillies. Par suite, seule la rechute ayant donné lieu à une consolidation au 4 octobre 2018 mentionnant un taux d'IPP de 18 % est susceptible de donner lieu à indemnisation ».
Or, présente un caractère d’utilité une mesure d’expertise sollicitée en vue d’évaluer les préjudices subis par un fonctionnaire du fait d’une rechute et de l’aggravation de son état de santé liées à l'accident de service dont il a été victime (TA Poitiers, 28 mars 2023, req. n° 2202211) :
« 4. Le département de la Vienne conteste l'utilité de la mesure d'expertise sollicitée par Mme F au motif que l'action indemnitaire qui pourrait être engagée est prescrite. Il soutient que deux rapports d'expertise, qui ne sont pas produits dans la présente instance, ont conclu à une consolidation de l'état de santé de l'intéressée en 2008 puis au 10 octobre 2014. Toutefois, il résulte d'un certificat médical et de deux rapports d'expertise établis les 23 avril et 7 juin 2019, dont l'un a été sollicité par le département, que la requérante a été victime d'une rechute de son accident de service comme d'une aggravation de son état de santé ayant conduit à son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er août 2020. Par ailleurs, ces rapports ne comportent pas l'ensemble des éléments permettant d'évaluer les préjudices ayant lien avec cette aggravation de l'état de santé de l'intéressée. Par suite, le département de la Vienne n'est pas fondé à soutenir que cette demande d'expertise doit être rejetée comme dépourvue d'utilité ».
Enfin, la circonstance qu’une expertise non-contradictoire portant sur les mêmes préjudices, ait déjà été effectuée n’est pas, par elle-même, de nature à rendre « inutile » l’expertise judiciaire sollicitée dès lors qu’une expertise non contradictoire n’offre pas les mêmes garanties (Ord. TA Montpellier, 16 janvier 2024, req. n°2303883) :
« 3. D'autre part, M. B B, caporal-chef affecté à la 13ème demi-brigade de la Légion étrangère qui a été victime, le 17 février 2016, d'un accident de service et qui a été réformé pour infirmités, le 17 août 2019, demande qu'une expertise médicale apprécie son état de santé actuel. Cette demande, susceptible de se rattacher à une action ultérieure devant le juge du fond et qui ne préjuge en rien des responsabilités encourues, entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative et présente un caractère utile. La circonstance qu'une expertise non contradictoire, portant sur le même objet que l'expertise sollicitée, qui ne présente pas les mêmes garanties qu'une expertise judiciaire, a été effectuée le 10 août 2021, ne fait pas, par elle-même, obstacle à la réalisation de l'expertise sollicitée. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de M. B B, dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance. »
Il résulte de tout ce qui précède qu’un fonctionnaire de police qui n’aurait pas sollicité d’indemnisation Moya-Caville avant l’expiration du délai de prescription mais dont l’état de santé se serait aggravé pourrait saisir le juge des référés du tribunal administratif d’une demande tendant à la réalisation d’une expertise judiciaire.
Cette expertise judiciaire aurait notamment pour finalité de déterminer si l’aggravation de l’état de santé du policier concerné depuis la date de consolidation lui cause des préjudices nouveaux directement liés à son accident de service.
Dans l’affirmative, il conviendrait que l’expert désigné se prononce sur la date de consolidation desdits préjudices nouveaux, sur leur lien avec l’accident de service et sur leur gravité.
Le cabinet d’avocat de policiers, Obsalis Avocat, éclaire les fonctionnaires de police sur leurs droits en matière d’indemnisation Moya-Caville et les représente dans leurs réclamations indemnitaires, dans leurs demandes d’expertise judiciaires et dans leurs recours contentieux en vue de l’indemnisation de leurs préjudices tirés d’accident de service.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit de la police, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de policiers, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement par les fonctionnaires de police de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des fonctionnaires de police, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit policier : sanction disciplinaire, CLM et imputabilité au service, indus de rémunération, accident de service, Indemnisation Moya-Caville, allocation temporaire d’invalidité (ATI), démission/rupture conventionnelle, réclamations indemnitaires, etc.
Mots clés :
Avocat de policiers
Avocat en droit de la police
Police nationale
Accident de service
Accident du travail
Moya-Caville
Indemnisation complémentaire
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Consolidation du dommage
Préjudices
Expertise judiciaire