Passage de carrière des gendarmes sous contrat : les ajournements peuvent se fonder sur des faits extérieurs au service

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Lorsqu’un gendarme sous contrat souhaite passer militaire « de carrière », il doit formuler une demande d’admission dans le corps des officiers ou des sous-officiers de carrière de la gendarmerie nationale.

L’admission dans le corps concerné sera prononcée par le ministre de l’Intérieur parmi la liste des officiers ou des sous-officiers concernés, au regard de sa manière de servir.

En cas de refus d’admission dans le corps concerné, le militaire en cause pourra introduire un recours tendant à obtenir l’annulation de cette décision et son admission dans le corps concerné.

Il doit toutefois savoir que le juge administratif se bornera à vérifier que la décision de refus d’admission n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.



Aux termes de l’article L. 4232-2 du code de la défense :

« Sont militaires de carrière les officiers ainsi que les sous-officiers et officiers mariniers qui sont admis à cet état après en avoir fait la demande. Ils sont, de ce fait, nommés ou promus à un grade de la hiérarchie en vue d'occuper un emploi permanent dans un corps militaire. Ils ne peuvent perdre l'état militaire que pour l'une des causes prévues aux articles L. 4139-12 à L. 4139-15. »

L’article L. 4132-3 3° du code de la défense précise les conditions dans lesquelles un militaire engagé peut être intégré dans un corps d’officiers de carrière :

« (…) I. - Les officiers de carrière sont recrutés : / (…)

3° Soit au choix, parmi les officiers sous contrat et les sous-officiers qui en font la demande ou pour action d'éclat dûment constatée ».

De même, l’article L. 4132-4 du code de la défense précise les conditions dans lesquelles un militaire engagé peut devenir sous-officier de carrière :

« Peuvent être admis à l'état de sous-officiers de carrière les militaires servant en vertu d'un contrat ayant accompli au moins quatre ans de services militaires effectifs, dont une partie dans un grade de sous-officier ou d'officier marinier, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ».

S’agissant des sous-officiers de gendarmerie, l’article 21 du décret n°2008-952 du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie, précise les conditions dans lesquelles les sous-officiers de gendarmerie engagés peuvent devenir sous-officiers de gendarmerie de carrière :

« Les sous-officiers de gendarmerie de carrière sont recrutés au choix parmi les sous-officiers de gendarmerie engagés, qui ont demandé leur admission à l'état de sous-officier de carrière.
Ils doivent réunir les conditions suivantes :
1° Avoir accompli au moins quatre ans de service militaire effectif ;
2° Avoir détenu, pendant au moins un an, un grade de sous-officier de gendarmerie ;
3° Et être titulaires du certificat d'aptitude technique délivré selon les modalités fixées par un arrêté du ministre de l'intérieur (…) ».

Ainsi, un gendarme volontaire ne peut intégrer le corps des sous-officiers de gendarmerie de carrière que s’il est titulaire du certificat d’aptitude technique (CAT), s’il a accompli au moins 4 années de service effectif et s’il détient un grade de sous-officier de gendarmerie depuis au moins un an.

Cependant, la seule circonstance qu’un sous-officier de gendarmerie sous contrat remplisse ces conditions, ne suffit pas, à elle seule, à donner droit à une admission dans le corps des sous-officiers de gendarmerie de carrière.

En effet, rappelons que l’admission dans le corps des sous-officiers de gendarmerie se fait « au choix », par le ministre de l'Intérieur, au regard de la manière de servir de l’intéressé.

Pourront notamment entrer en ligne de compte dans l’appréciation de la manière de servir du militaire concerné : ses aptitudes physiques, ses bulletins de notations, ses rapports avec sa hiérarchie et ses subordonnés, son comportement général, ses éventuelles sanctions disciplinaires, etc.

De plus, la cour administrative d’appel de Nancy a jugé, de longue date, que le refus d’admission dans un corps peut notamment se fonder sur des faits extérieurs au service, notamment si ceux-ci sont de nature à porter atteinte à la réputation de l’arme :

« Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, l'autorité administrative peut légalement prendre en considération, en vue d'apprécier les aptitudes et le comportement de l'intéressé au regard des garanties requises par les dispositions précitées, des actes extérieurs au service dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence sur le crédit et la réputation de l'arme ; » (CAA Nancy, 18 mars 2004, req. n°98NC02456).

En outre, la cour a précisé que la décision de refus d’admission dans un corps ne peut être regardée comme une décision refusant une autorisation ou un avantage dont l’attribution constituerait un droit.

De ce fait, une décision de refus d’admission dans un corps n’a pas à être motivée :

« Considérant, en premier lieu, que la décision refusant, en application des dispositions précitées, le bénéfice de l'admission dans le corps des sous-officiers de carrière de gendarmerie, laquelle en particulier ne refuse pas un avantage dont l'attribution aurait constitué un droit, n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que, dès lors, le moyen soulevé par M X, qui ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 septembre 1987, et tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ; »

Surtout, la cour a rappelé que la décision du ministre compétent étant discrétionnaire, le juge administratif n’annulera une décision de refus d’admission dans un corps qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation :

« Considérant, en quatrième lieu, que pour rejeter sa demande d'admission dans le corps des sous-officiers de carrières de gendarmerie, l'administration militaire s'est fondée sur ce que l'intéressé n'avait pas consenti les efforts suffisants pour améliorer sa manière de servir et que son comportement n'était pas conforme à celui attendu d'un sous-officier de gendarmerie ; qu'en dépit de la décision du 16 février 1995 prononçant son ajournement d'admission dans le corps des sous-officiers de carrière et l'invitant à améliorer nettement son comportement et sa manière de servir, il n'apparaît pas que le comportement de l'intéressé se soit amélioré de façon durable et significative ; que nonobstant la circonstance qu'un certificat de bonne conduite lui a été délivré, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard aux négligences commises par l'intéressé et à son manque de rigueur et de discipline, l'autorité administrative ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des aptitudes du requérant pour être admis dans le corps des sous-officiers de carrière de gendarmerie ; ».

Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, conseille les militaires et les gendarmes concernant les éventuels ajournement et refus d’admission dans un corps qui pourraient leur être opposés, et introduit pour eux, les recours gracieux ou contentieux y afférents.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocat en droit militaire au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 


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