Demandes indemnitaires des militaires : vous avez 2 mois pour saisir le tribunal administratif en cas de rejet implicite de votre recours CRM

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Les militaires qui sollicitent le versement d’une indemnité à quelque titre que ce soit doivent, d’abord, en formuler la demande auprès du ministre des Armées.

En cas de refus du ministre des Armées, les militaires doivent, ensuite, saisir la Commission des recours des militaires (CRM) avant de former, le cas échéant, un recours dit « de plein contentieux » devant le tribunal administratif.

Or, quatre mois après la saisine de la commission des recours des militaires (CRM), le ministre des Armées est réputé avoir implicitement rejeté la demande indemnitaire du militaire concerné.

Dans ce cas, le militaire dispose d’un délai de 2 mois maximum, à compter de l’intervention de la décision implicite de rejet de la demande, pour saisir le tribunal administratif d’un recours de plein contentieux tendant à l’obtention de l’indemnité sollicitée.



Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de l'article 10 du décret du 2 novembre 2016 dit « JADE » portant modification de ce code :

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. »

S'agissant des décisions implicites, l'article R. 421-2 alinéa premier du même code prévoit un délai de recours de 2 mois à compter de l’intervention de la décision implicite de rejet :

« Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet [...]. »

Cependant, cette dernière règle comporte deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 dudit code, qui prévoit que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux « (…) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux », ainsi que « 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ».

Le décret dit « JADE » du 2 novembre 2016 a, par son article 10, supprimé à cet article R. 421-3 une troisième exception, qui prévoyait auparavant que le délai de recours de deux mois ne courait qu'à compter d'une décision expresse « en matière de plein contentieux » (c’est-à-dire, en matière indemnitaire notamment).

Par un avis du 30 janvier 2019 (req n°420797), le Conseil d’Etat avait déjà précisé qu’à compter de l’entrée en vigueur de ce décret, les requérants disposaient d’ « Un délai de recours de deux mois (…) contre toute décision implicite relevant du plein contentieux ».

En matière militaire, la cour administrative d’appel de Versailles s’est interrogée sur la question de savoir si la commission des recours des militaires (CRM) devait être regardée comme un « organisme collégial » au sens de l’article R. 421-3 du code de justice administrative et a saisi le conseil d’Etat d’une demande d’avis à ce sujet.

Par son avis du 4 mars 2021 (req. n°445956), le Conseil d'Etat est  venu préciser les effets du décret du 2 novembre 2016, dit « JADE », sur le délai de recours contre les décisions implicites de la commission de recours des militaires.

Ainsi, le Conseil d’Etat a indiqué que le militaire qui n'a pas reçu notification de la décision du ministre des Armées, à l'expiration du délai de 4 mois à compter de la saisine de la CRM doit saisir la juridiction administrative de sa demande dans un délai de 2 mois si son recours porte sur une demande indemnitaire (plein contentieux).

En revanche, ce délai n’est pas applicable si le recours vise l’annulation d’une décision administrative (excès de pouvoir) :

« 3. L'article R. 4125-10 du code de la défense dispose que : « Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. [...] / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. » Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le militaire qui n'a pas reçu notification de la décision du ministre ou des ministres compétents à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la saisine de la commission des recours des militaires, qui est un organisme collégial pour l'application des dispositions du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, doit, à peine de forclusion, saisir la juridiction administrative de sa demande dans un délai de deux mois si son recours relève du plein contentieux. En revanche, ce délai ne peut être appliqué si son recours relève de l'excès de pouvoir.».

En conclusion, tout militaire qui formule une demande indemnitaire auprès du ministre des Armées puis, de la commission des recours des militaires (CRM), doit, en cas de rejet implicite de sa demande, impérativement saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de l’intervention de ladite décision implicite.

Le cabinet d’avocat Obsalis, accompagne les militaires dans leurs démarches et recours devant le ministre des Armées, la commission des recours des militaires (CRM) et, le cas échéant, le tribunal administratif.


 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au Barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.



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