Blâme du ministre, choix de la catégorie de sanction et effacement du dossier disciplinaire des militaires

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En principe, les sanctions de premier groupe prononcées contre les militaires et les gendarmes doivent être automatiquement effacées de leur dossier disciplinaire le 1er janvier de la cinquième année suivant le prononcé de ladite sanction.

 

Cependant, cet effacement automatique ne s’applique pas aux manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ayant donné lieu à un blâme du ministre.

 

Or, les bulletins de sanctions mentionnent parfois que les faits reprochés au militaire concerné relèvent de la « catégorie 3 », c’est-à-dire, justement, d’un manquement à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.

 

Le choix de la « catégorie de sanction » prononcée contre les militaires a-t-elle une conséquence directe sur l’effacement automatique des sanctions disciplinaires des militaires ?

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, vous répond :

 

 

 

1.- Sanctions de premier groupe et atteinte à l’honneur : quelles conséquences ?

 

Aux termes de l’article L. 4137-2 du code de la défense, les sanctions de premier groupe susceptibles d’être infligées à un militaire ou à un gendarme sont réparties de la manière suivante :

 

« Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes :

1° Les sanctions du premier groupe sont :

a) L'avertissement ;

b) La consigne ;

c) La réprimande ;

d) Le blâme ;

e) Les arrêts ;

f) Le blâme du ministre ; (…) »

 

 

L’article R. 4137-23 du code de la défense précise que l’effacement automatique des sanctions de premier groupe ne s’applique pas aux manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ayant donné lieu à un blâme du ministre 

 

« L'effacement des sanctions disciplinaires du premier groupe est effectué d'office au 1er janvier de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle les sanctions ont été prononcées.

Sont toutefois exclues de l'effacement d'office des sanctions disciplinaires du premier groupe les sanctions concernant des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur ayant donné lieu à un blâme du ministre, à des arrêts d'une durée supérieure à trente jours ou à une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire numéro deux. »

 

L’article R. 4137-23-1 dudit code ne prévoit la possibilité pour les militaires de demander l’effacement des sanctions de blâme du ministre prononcées pour manquement à la probité, à l’honneur ou aux bonnes mœurs qu’à compter du 1er janvier de la onzième année suivant celle du prononcé de la sanction et ce, sans garantie de l’obtenir :

 

« Tout militaire ou ancien militaire peut demander l'effacement des sanctions disciplinaires du premier groupe concernant des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur ayant donné lieu à un blâme du ministre, à des arrêts d'une durée supérieure à trente jours ou à une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire numéro deux, du deuxième groupe et du retrait d'emploi. Cette demande s'effectue à partir du 1er janvier de la onzième année suivant celle au cours de laquelle elles ont été prononcées ».

 

 

. En parallèle, il résulte de l’instruction n°230358/DEF/SGA/DRH-MD/SR-RH/FM1 du 12 juin 2014 relative aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires que les sanctions disciplinaires de 1er groupe sont réparties en trois catégories :

 

  • 1ère catégorie - Fautes ou manquements commis :
    • à l'intérieur d'un établissement militaire (hors service ou en service) ;
    • à l'extérieur d'un établissement militaire (en service uniquement).

 

  • 2e catégorie : Fautes ou manquements commis hors service et à l'extérieur d'un établissement militaire, avec une répercussion sur le service.

 

  • 3e catégorie - Sont réputés constituer des manquements :
    • à l'honneur : les faits qui entachent gravement la réputation et la considération du militaire soucieux de ne pas manquer à ses devoirs élémentaires, ainsi que les faits qui compromettent gravement la fonction ou le fonctionnement du service.
    • à la probité : toute appropriation ou détournement à des fins personnelles, de biens ou de deniers appartenant à l'État ou à autrui.
    • aux bonnes mœurs : tout comportement ou tout agissement commis ou toléré sur la personne d'autrui accompagné de violences ou de sévices graves constituant des agressions sexuelles.

 

Ainsi, un militaire ou un gendarme qui se voit infliger une sanction de blâme du ministre, mentionnant que sa faute relèverait de la troisième catégorie doit savoir que son comportement a été considéré comme portant atteinte à son honneur, à sa probité ou aux bonnes mœurs.

 

La question se pose de savoir si le choix d’une éventuelle « catégorie 3 de sanction » conduit à ce que le militaire concerné par un blâme du ministre ne puisse en obtenir l’effacement, que sur demande et sous conditions, à partir de la 11ème année suivant le prononcé de ladite sanction.

 

2.- Choix de la catégorie de sanction : quels recours pour les militaires et les gendarmes ?

 

S’agissant de la proportionnalité des faits, il appartient au juge administratif de vérifier si la sanction retenue est proportionnée aux faits reprochés (Conseil d'État, 2ème chambre, 27/03/2020, 427868) :

 

« 10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ».

 

En particulier, il appartient au juge de prendre en compte le contexte des agissements fautifs pour analyser la proportionnalité de la sanction qui lui est soumise, au regard notamment de la gravité de ces fautes, de la manière de servir de l’intéressé et de ses antécédents disciplinaires :

 

« Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond, compte tenu des bons états de service de l’intéressé et du contexte des agissements fautifs, que les sanctions susceptibles d’être infligées par l’administration sans méconnaître l’autorité de la chose jugée seraient toutes, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes commises par (….) » (CE, 2 mai 2018, req. n°406880).

 

De même, il appartient au juge administratif de vérifier la qualification juridique des faits, c’est-à-dire si les agissements reprochés au militaire concerné ont été justement qualifiés (CE, 22 novembre 2019, req. n°425849) :

 

« 11. Il ressort des pièces du dossier que l'enquête de commandement, au cours de laquelle cinquante-cinq témoignages de gendarmes ont été recueillis, a établi que le requérant avait tenu à de très nombreuses reprises des propos misogynes, sexistes, obscènes, racistes et discriminatoires à leur égard entre avril 2014 et mai 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée reposerait sur des faits matériellement inexacts doit être écarté ;

 

12. En estimant que les faits reprochés au requérant, eu égard à la teneur des propos en cause, exprimés à de nombreuses reprises, présentaient le caractère d'une faute de nature à justifier une sanction, la ministre des armées ne les a pas inexactement qualifiés ».

 

Ainsi, la question se pose de savoir si le choix de la catégorie de sanction de premier groupe (première, deuxième ou troisième catégorie de sanction de premier groupe) entre dans la vérification de la qualification juridique des faits.

 

Par un arrêt du 19 janvier 2024 (req. n°474668), le Conseil d’état a considéré que le choix de la catégorie de sanction sur le bulletin de sanction ne constituait pas une « qualification juridique des faits » :

 

« 4. D’une part, la décision attaquée ne qualifie pas les faits sanctionnés de manquements à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs. M. M. ne peut donc utilement soutenir que l’autorité disciplinaire les aurait inexactement qualifiés comme tels ».

 

Pourtant, du choix de la catégorie de sanction découle la qualification qui a été donnée aux faits reprochés au militaire concerné (faits commis en service, ayant des répercussions sur le service, portant atteinte à l’honneur etc.).

 

Ainsi, lorsque sa sanction a été classée dans la troisième catégorie, le militaire doit savoir que les fautes qu’il a commises ont pu être considérées comme portant atteinte à l’honneur, c’est-à-dire comme portant gravement atteinte à sa réputation et sa considération ou comme compromettant gravement la fonction ou le fonctionnement du service.

 

Cependant, le Conseil d’Etat ayant exclu que le choix de la catégorie de sanction constituait une qualification juridique, l’effacement automatique des sanctions de blâme du ministre, prévu à l’article R. 4137-23 du code de la défense, devrait trouver à s’appliquer, quelle que soit le choix de la catégorie de sanction, dès lors que les faits n’ont pas été expressément qualifiés de manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur dans le corps de la décision.

 

Les militaires qui se sont vu infliger un blâme du ministre et dont le bulletin de sanction mentionne une « catégorie 3 » doivent donc impérativement vérifier, le 1er janvier de la cinquième année suivant le prononcé de la sanction, si celle-ci a bien été automatiquement effacée de leur dossier disciplinaire.

 

A défaut, il pourra en faire formuler la demande.

 

Le cabinet d’avocat en droit des militaires, Obsalis Avocat, éclaire les militaires et les gendarmes sur leurs droits en matière de procédure disciplinaire et de recours contre les sanctions, qu’il s’agisse de représenter les sous-officiers auprès du tribunal administratif compétent ou de représenter les officiers auprès du Conseil d’Etat.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris

 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 

 

Pour en savoir plus sur  les sanctions disciplinaires des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 

 

 



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