Placement des militaires en arrêt de travail par un médecin civil : Attention à la désertion!
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Seul un médecin militaire est compétent pour émettre l’avis préalable au placement d’un militaire en congé maladie. A défaut d’avis d’un médecin militaire, le militaire concerné pourra être considéré comme déserteur s’il quitte son régiment sans autorisation et qu’il ne le rejoint pas à l’issue du délai de grâce de 6 jours, quand bien même il aurait été placé en arrêt de travail par un médecin civil.
L’article L. 713-12 alinéa 1er du code de la sécurité sociale prévoit que les médecins militaires sont seuls compétents pour émettre les avis nécessaires à l’édiction, par l’autorité militaire, d’une décision entrainant des conséquences statutaires ou disciplinaires pour un militaire :
« Lorsqu'une décision entrainant des conséquences statutaires ou disciplinaires pour un militaire doit être prise après avis d'un médecin, cet avis ne peut être émis que par un médecin des armées relevant des dispositions de l'article L. 4138-2 ou de l'article L. 4211-1 du code de la défense ».
Il en résulte que le placement d’un militaire en arrêt de travail par un médecin civil ne l’autorise pas à quitter son régiment ou son unité.
Or, rappelons que l’article L. 321-2 du code de justice militaire prévoit qu’un militaire qui s’absente de son corps, de sa base ou de sa formation sans autorisation est considéré comme déserteur à l’expiration d’un délai de grâce de six jours en temps de paix :
« Est considéré comme déserteur à l’intérieur en temps de paix : 1° Six jours après celui de l’absence constatée, tout militaire qui s’absente sans autorisation de son corps ou détachement, de sa base ou formation (…) ».
En cas de désertion d’un militaire, la sanction disciplinaire y afférent doit être précédée de l’envoi d’un courrier de mise en demeure ordonnant au militaire concerné de rejoindre sa formation et lui indiquant les conséquences de son absence injustifiée (article R. 4137-92 alinéa 2 du code de la défense) :
« En cas d'absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l'avis d'un conseil d'enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l'envoi à la dernière adresse connue du militaire d'une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste. »
Ainsi, lorsqu’un militaire a été placé en arrêt de travail par un médecin civil et qu’il reçoit une lettre de mise en demeure lui ordonnant de rejoindre son unité, il doit impérativement se conformer à cette obligation dans un délai de 6 jours, en vue notamment de la consultation d’un médecin militaire qui devra le reconnaître inapte à la reprise de son service.
Dans l’hypothèse où le militaire concerné ne rejoindrait pas son unité dans ce délai grâce de 6 jours, ou si, après qu’un médecin militaire l’ait reconnu apte à reprendre son service, il s’absente à nouveau de son régiment sans autorisation, il pourra être reconnu comme déserteur.
C’est ce qu’a rappelé la cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt du 14 mai 2019 (req. n°17BX01537) :
« 6. Il appartient à un militaire en situation d’absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail. Pour éviter d’être en situation de désertion le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l’administration lui a adressée et à la condition qu’il n’ait pas été déclaré apte par la médecine militaire, seule compétente pour toutes les décisions aux conséquences statutaires ou disciplinaires, en vertu des dispositions précitées de l’article L. 713-12 du code de la sécurité sociale. ».
Pour rappel, un militaire déserteur encourt des peines allant de 3 à 10 d’emprisonnement, selon que l’absence injustifiée a eu lieu sur le territoire national et en temps de paix ou de guerre (article L. 321-2 et suivants du code de justice militaire).
Les militaires malades, blessés, ou atteint d’un syndrome anxiodépressif, qui s’absentent de leur formation, doivent donc rester en contact avec leur commandement pour transmettre leurs certificats médicaux en temps et en heure et consulter un médecin des armées, qui est seul habilité à émettre un avis préalable au placement des militaires en congé maladie.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
Pour aller plus loin : Militaire et désertion : les risques de poursuites pénales
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